Éman Martin :
être né un 16 mai et se prénommer...Éman !
Dans la région, l’aura et la réputation de saint Éman à guérir les maladies infantiles étaient telles que des paroissiens plaçaient leurs nouveaux-nés sous sa sainte et thérapeutique protection. Certains bébés nés le 16 mai, jour du martyre du saint, recevaient Éman comme nom de baptême, promesse d’une bonne santé, d’une saine croissance et d’une prospérité assurée.
Le plus bel exemple, et le plus connu dans notre contrée, est celui d’Éman Martin né le 16 mai 1821 au lieu-dit : « Les Dauffrais » sur la commune d’Illiers, à 2 km de notre village de Saint-Éman. Pour mémoire Éman Martin a été le fondateur, rédacteur du Courrier de Vaugelas, et lauréat de l’Académie Française. Le nom qui fut donné à sa publication l’a été à la mémoire de Claude Favre de Vaugelas (1585-1650) grammairien et l’un des premiers membres de l’Académie française (source Wikipédia).
Nous vous invitons à partager les informations publiées par le Cercle de Recherches Généalogiques du Perche-Gouët :
Éman MARTIN naquit le 16 mai 1821 à Illiers au foyer de modestes journaliers, dans une maison toujours existante mais passablement remaniée du hameau des Dauffrais (voir plus bas), située à plus de quatre kilomètres du centre-bourg. Il eut pour parrain et marraine Pierre Thomas AUBERT, journalier et Marie Catherine GALLOU.
La suite de sa biographie nous est donnée par son éditeur :
« Le jeune Éman ne reçut d’autre enseignement que celui de l’école de son village et de l’école normale primaire de Chartres. Après quoi, il n’eut plus de maîtres… et pourtant il a su en devenir un lui-même ; ou du moins, pour les choses de son petit domaine, les maîtres les plus savants l’ont consulté.
Ayant appris tout seul ce qu’il faut savoir de langues anciennes pour être reçu bachelier, il devint professeur au collègue de Dieppe. De là, le désir d’acquérir des connaissances nouvelles le fit passer en Angleterre. Quand il revint de Londres, parlant à merveille la langue du pays, il était on ne peut mieux préparé à enseigner la nôtre aux étrangers.
Il s’établit comme professeur, et la clientèle afflua bientôt chez cet excellent homme, s’attacha à lui pendant les années passées à Paris, et propagea sa réputation à Londres, à Copenhague, à Stockholm.
Éman Martin ne se contentait pas d’enseigner ce que contiennent les ouvrages élémentaires. Quand la lecture ou la conversation avaient mis un de ses disciples aux prises avec quelque question qui n’était pas toute simple, il cherchait dans les livres, il interrogeait ces savants théoriciens du langage dont il n’avait pas été jusque-là l’élève, il consultait l’histoire et les recueils d’anecdotes, jusqu’à ce qu’il eût trouvé ou reconnu introuvable la clef de la difficulté.
Quand ses élèves s’en retournaient chez eux, il conviait ceux qui devaient continuer l’étude du français à lui écrire leurs doutes et leurs embarras. D’une façon tout à fait désintéressée cette fois, pour le simple plaisir de retenir les étrangers dans la pratique de notre langue, il cherchait encore, employait tous ses loisirs rue Richelieu, à fouiller les trésors de la Bibliothèque, puis répondait. La correspondance devenait de plus en plus active. Elle le fut bientôt trop. Éman Martin eut l’idée (en 1868), de fonder un journal de correspondance, et le Courrier de Vaugelas (c’est le nom qu’il lui donna), réussit de suite.
Mais le genre de problèmes qu’il soulevait le plus volontiers, qu’il résolvait le mieux, c’étaient ceux dont l’histoire ou l’anecdote donne la clef. Souvent un fait historique, une coutume, un lazzi lancé dans une assemblée, une réplique d’une comédie, ont introduit dans la langue une manière de parler, puis sont tombés dans l’oubli, laissant en usage le mot ou la locution qui leur a dû la naissance. Remettre en lumière ces origines obscurcies en recourant aux souvenirs historiques ou littéraires d’où procèdent les faits de langage devenus des énigmes, c’est à quoi Éman Martin excellait… » (Avant-Propos des « Locutions et Proverbes).
La publication du « Courrier de Vaugelas » (journal bimensuel qui disparaîtra à sa mort), lui valut, en 1875, le Prix Lambert de l’Académie Française. Il était aussi Officier de l’Instruction Publique.
Éman Martin mourut à Paris le 27 novembre 1882. Une plaque commémorative a été apposée au pignon de sa maison natale aux Dauffrais, à Illiers.
Il ne nous a pas été possible de découvrir si Éman Martin fut marié et s’il laissa une descendance. Un indice le laisse toutefois supposer car le catalogue de la BNF (BN Opale Plus) mentionne dans la liste des auteurs un certain « Éman Martin le fils, dit Saint-Éman » qui publia plusieurs ouvrages, entre autres, en 1887 : « L’Exilé, poésie dédiée au général Boulanger ».
Nécrologie, hommages, et descendance
Le « Manuel Général de l’Instruction Primaire », dans son numéro 49 daté du 9 décembre 1882, informait ses lecteurs du décès de M. Éman Martin en lui rendant hommage en ces termes :
«... l’ingénieux et persévérant rédacteur du Courrier de Vaugelas, était bien connu des instituteurs. Il vient de mourir à Paris, le 27 novembre dernier, dans sa soixante-deuxième année ».
En 1886, dans le premier numéro de l’année, Edmond Johanet, nouveau rédacteur en chef du Courrier de Vaugelas, rendait hommage, quatre ans après son décès, à son fondateur Éman Martin.
M. Eman Martin est resté, pour ceux qui l’ont vu à l’œuvre, le type du travailleur passionné pour sa tâche. Les dix années du Courrier de Vaugelas, qu’il a fondé, témoignent éloquemment de ce qu’il a fallu de labeurs, de recherches, de persévérance et de profonde érudition, pour rédiger tout seul un journal, qu’on peut, sans exagération, comparer à un recueil de jurisprudence, tant le Courrier de Vaugelas contient de lois et arrêts en matière philologique et grammaticale.
En 1875, l’Académie française décernait à M. Martin le prix Lambert, et voici comme elle appréciait son œuvre :
« Le prix Lambert est, selon l’intention du fondateur, une marque d’intérêt public qui s’adresse à la personne même d’un homme de lettres. Il peut être encore et il a été quelquefois une distinction indirectement adressée à son œuvre, faute d’une autre manière de la récompenser. En le décernant cette année à M. Eman Martin, l’Académie couronne, autant qu’il est en elle, son Courrier de Vaugelas, journal grammatical, très digne du nom dont il se pare, où, depuis assez longtemps déjà, les singularités, les difficultés de l’usage sont savamment, ingénieusement expliquées et résolues. » (Rapport de M. Patin, secrétaire perpétuel, sur les concours de l’année 1875, 11 novembre.)
L’Université récompense par les palmes d’officier d’Académie et plus tard par le titre d’officier de l’Instruction publique, cet infatigable travailleur, ancien élève de l’école normale de Chartres, devenu professeur au collège de Dieppe, après avoir, sans l’aide d’aucun professeur, fait ses études latines et grecques.
M. Martin a laissé plusieurs volumes de grammaire et de philologie fort estimés, et qu’il avait spécialement destinés aux étrangers désireux d’approfondir l’étude de notre langue.
Enfin, il rédigea la table du Courrier de Vaugelas, soit un an de travail ! On peut juger par là de l’importance de ce recueil et du nombre de questions traitées. Au moyen de cette table, chef-d’œuvre de méthode, le chercheur tient le fil conducteur de cet immense labyrinthe.
Faut-il encore ajouter qu’une médaille d’honneur a été décernée à M. Martin, par la Société pour le développement de l’éducation et de l’instruction populaires, et que médaille et mention lui furent également accordées à l’Exposition universelle de 1878. Ces deux distinctions prouveront derechef que l’estime publique était acquise à lui et à son œuvre.
Mais M. Martin se montrait surtout sensible au suffrage des hommes de lettres, quelques-uns illustres philologues, qui citaient dans leurs travaux les solutions du Courrier, preuve qu’il était « très digne » comme le disait tout à l’heure M. Patin, de porter le nom du célèbre grammairien Vaugelas, appelé l’oracle de la langue française.
Avouons qu’il eut le droit d’être fier le jour où il put lire dans le supplément de 1878, annexé au Dictionnaire de Littré, oracle aussi incontesté que Vaugelas, vingt-sept articles où l’opinion du Courrier était rapportée et approuvée.
M. Eman Martin est mort, épuisé par le travail, le 27 novembre 1882, à l’âge de soixante et un ans.
Grâce au concours de nos collaborateurs et aux communications de nos abonnés, nous espérons n’être pas au-dessous de la tâche que nous impose le passé du Courrier de Vaugelas.
L’examen des archives nous apprend aussi qu’Éman Martin faisait partie des professeurs de Français sur la place de Paris, et, pour l’anecdote, qu’il était visible à son bureau de rédacteur du Courrier de Vaugelas, 26, Boulevard des Italiens, entre midi et deux heures. Fondateur du journal dont le siège était à Paris, Éman Martin était toutefois resté fidèle à sa région natale, entre Beauce et Perche, en confiant l’impression du Courrier de Vaugelas à l’imprimerie Gouverneur, G. Daupeley de Nogent-le-Rotrou.
En poursuivant nos recherches, nous pouvons enrichir notre précédent article d’un renseignement qui nous faisait défaut jusqu’alors concernant sa vie matrimoniale, Éman Martin a épousé Eugénie, Philippine, Marie Brouilland le 21 avril 1853 à Paris.
Quant à sa descendance nous trouvons la trace d’une signature d’Éman Martin le fils dit « Saint-Éman », et outre « L’Exilé » poésie publiée en 1887, la Bibliothèque nationale de France (BnF) mentionne plusieurs ouvrages de ce même auteur.
En 1880, est paru sous cette même signature, celle de « Saint-Éman », un recueil « Nouvelles toutes neuves » portant les titres de : Mam’zelle Titine ; La Camériste de la marquise; Le dernier verre ; Une femme à la mer ; Chapeau blanc et chapeau bleu ; Les fleuristes de la rue Lavoisier ; Le beau Cruzol ; L’Argent du prêt ; Deux coups de cravache ; Le médaillon. Ouvrage édité par Léon Vanier, libraire-éditeur, 19, quai Saint-Michel à Paris.
L’année suivante, en 1881, est publié chez le même éditeur, un ouvrage portant le titre « Sous les drapeaux ».
Bibliographie
L’œuvre d’Éman Martin ne se résume pas au seul périodique et prolifique Courrier de Vaugelas, nous trouvons aussi dans sa bibliographie des ouvrages tels que :
- Locutions et Proverbes, origine et explications. (NDLR : Nous possédons cette édition Delagrave de janvier 1925 qui peut être consultée, sur demande, par les lecteurs intéressés).
Nous ne résistons pas au plaisir de vous en livrer quelques savoureux extraits...
- La Langue française enseignée aux étrangers.
L’ouvrage divisé en quatre parties (Prononciation, orthographe, construction, signification) a été édité à compte d’auteur par Éman Martin en 1859. Les exemplaires étaient disponibles à son domicile situé 19 bis, rue de la Chaussée-d’Antin et auprès des librairies Stassin et Xavier, 22, rue de la Banque et Reinwald, 16, rue des Saints-Pères. L’ouvrage a été imprimé par A. Guyot et Scribe, 18, rue Neuve-des-Mathurins (Paris). Sur l’illustration jointe de l’ouvrage, nous pouvons apercevoir le tampon rouge de la Bibliothèque impériale au temps de la gouvernance de Napoléon III.
Être né un 16 mai, jour du martyre de saint Éman, a décidément été de bons augures et semble avoir placé Éman Martin, éditeur-rédacteur, sous une sainte protection avérée depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte pour une destinée généreuse et prospère lui permettant de propager sa réputation d’homme de lettres, et de théoricien du langage, à Londres, à Copenhague, à Stockholm… Comme elle devait paraître bien lointaine et désuète cette petite bâtisse des Dauffrais entre Illiers et Saint-Éman !
Anecdote...
Si, aujourd’hui, le promeneur a tout le loisir, en passant aux Dauffrais, de voir la maison natale d’Éman Martin, et d’y découvrir la plaque commémorative, un incendie a failli en décider tout autrement…. En effet dans un article de La Gazette de la Beauce et du Perche, en date du samedi 19 décembre 1942, nous apprenons que le corps de bâtiment et ses dépendances ont failli partir en fumée…. Nous retranscrivons ci-après l’article du journal :
Ces jours derniers, le feu s’est déclaré dans une maison inhabitée dépendant de la ferme Gasnier, (NDLR : Famille des nouveaux propriétaires et exploitants agricoles) aux Dauffrais, commune d’Illiers, le feu se propagea avec rapidité. La toiture en chaume de la maison ainsi que mille kilos de fourrages furent brûlés.
En quelques instants, tout danger d’extension était écarté.
C’est M. Georges Gasnier, frère du fermier, qui a mis accidentellement le feu en faisant fumer des andouilles dans la cheminée, qui était dans un particulier état de vétusté.
Les dégâts sont évalués à 6.000 fr environ.