Famille SOTTEAU au Grand Bois Barreau
et
Chroniques démographiques du village de Saint-Éman entre le XIXe et le XXe siècle
Les lieux sont la mémoire, et bien plus : les lieux survivent à la mémoire.
David Foenkinos, Les souvenirs
Archives Baron Sotteau
Photo prise par Alcide Hays de Frazé vers 1920
Toponymie du lieu-dit « Le Grand Bois Barreau », d’où vient ce nom ?
Source : Noms de lieux en Eure-et-Loir - Canton d’Illiers - SAEL 1994 ISBN 2-905866-20-9
En ce lieu élevé du territoire, la racine « Barre » a le sens de hauteur barrée, c’est à dire défendue, soit aussi celui de « clôture » ou « barrière ». A ce terme de « Barreau » a été ajoutée la qualification de « Grand Bois », appellation de la forêt voisine en limite du territoire des Châtelliers-Notre-Dame, encore peuplée de loups au début du XIXe siècle. Les fermes du Grand Bois Barreau, du Petit Bois Barreau, des Roselles se situent sur la courbe de niveau la plus élevée du territoire de Saint-Éman, à savoir 199m (*). Ces fermes sont dans le prolongement de la Grande Barre et de la Petite Barre, lieux ayant la même racine, situés sur la commune d’Illiers-Combray. Dans le passé, ces points hauts avaient un rôle défensif, ils permettaient de guetter les éventuels dangers, notamment l’arrivée d’envahisseurs. Cette courbe topographique avait valeur de ligne de défense naturelle. Cette configuration permettait d’élever des mottes féodales, puis des châteaux, et même des moulins à vent dont le plus ancien a été répertorié localement au lieu-dit « Les Dauffrais » sur une carte Cassini. Cela est avéré par la toponymie de la pièce cadastrale située entre le lieu-dit La Morinerie et Les Dauffrais qui porte le nom de « Moulin à vent ».
(*) N.D.L.R. : Ce point culminant constitue un véritable poste d’observation stratégique, et l’armée allemande l’avait bien compris en juin 1944. Entre le Grand Bois Barreau et les Roselles, un large trou, peu profond, avait été creusé sur le bord de la route, excavation encore visible aujourd’hui malgré les taillis et les derniers remblais, pour y dissimuler un Panzer. Ce char protégeait les colonnes de la Wehrmacht remontant de la Loire pour renforcer le front de Normandie après le débarquement des alliés au 6 juin 1944. Cette surveillance allemande était dictée par les actions de sabotage initiées par les résistants du maquis de Plainville qui, la nuit, lançaient des opérations de sabotage et dynamitage dans les environs, principalement à La Loupe, Belhomert, et Bretoncelles. (Information recueillie en 1990 auprès de Jean-Claude Foussard, agriculteur à la ferme des Pâtis).
Au temps de Jacques Onillon, l’indépendantiste
En 1841, Jacques, Thomas Onillon, âgé de 48 ans, habitait et exploitait la ferme avec sa famille, ses 3 enfants et son personnel, servante, domestique, charretier, berger. Neuf personnes logeaient à la ferme. Thomas Onillon s’était marié le 4 février 1833 avec Marie-Madeleine Marchais à Nonvilliers. Il était maire de la commune depuis août 1837 succédant au Comte Louis de Malart. Le village ne possédant pas de mairie, (appelée aussi « Maison commune »), les réunions du conseil municipal se tenaient au domicile de Jacques Onillon. Le Grand Bois Barreau se parait ainsi, le temps des réunions du Conseil municipal, de la devise de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Ce lieu a été témoin du long et téméraire combat mené par l’équipe municipale pour refuser l’application de la loi du 18 juillet 1837 sur l’Administration Communale conduisant à fusionner les villages. Saint-Éman était appelé à fusionner et à se scinder entre les villages des Châtelliers-Notre-Dame et d’Illiers.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Avant de trouver le patronyme de SOTTEAU au lieu-dit du Grand Bois Barreau à Saint-Éman, les archives nous indiquent, que dans la 1ère partie du XIXe siècle, la famille Onillon en avait fait son lieu de vie.
La population, à l’époque, était de 155 habitants, un pic pour la démographie locale qui ne sera jamais égalé les décennies suivantes. Dans le bourg, l’artisanat local comptait un tisserand, André Lesieur, et plusieurs tuiliers de la famille Beaudoux ainsi qu’un maçon, Césaire Foussard. La précarité était bien réelle en ces temps-là, le village comptait de nombreux indigents (10 % de la population dépendait de la charité publique), ainsi que des enfants naturels et d’autres jeunes enfants pris en nourrice pour améliorer un temps soit peu l’ordinaire des ménages. Au recensement précédent, en 1836, nous remarquons aussi la présence de quelques jeunes du village sous les drapeaux : Jean-Pierre Duflocq, soldat au 20e de ligne, Pierre Dumont, brigadier au 8e régiment de dragons et Jean Léonard, soldat en congé illimité (sic). Par la suite, les jeunes enrôlés dans l’Armée ne figureront plus dans les registres communaux. Cette même année en 1836, le village était composé de 33 maisons habitées dont 5 seulement dans le bourg. L’activité était principalement agricole. À Saint-Éman, pendant la Monarchie de Juillet sous le règne de Louis-Philippe, le recouvrement des impôts nécessitait et impliquait la domiciliation dans le bourg de saint-Éman, du percepteur des Contributions, Charles Thomassin, et du secrétaire de perception, Pierre Dasseau,.
Les registres des recensements des années 1846, 1851, 1856 confirment toujours la présence de Jacques Onillon et de sa famille au Grand Bois Barreau. En 1846, jusqu’à 11 personnes étaient domiciliées à la ferme.
Le 28 décembre 1860, Jacques Onillon étant décédé, sa femme Marie née Marchais alors âgée de 58 ans, continuait l’exploitation de la ferme aidée de ses deux fils, Henri et Julien.
En 1866, la ferme du Grand Bois Barreau fut occupée et exploitée par Vincent Pigalle, âgé de 34 ans. Il était marié avec Ernestine Poupardeau venant tous les deux de Cernay où était né leur fils Auguste âgé de 6 ans à leur arrivée à Saint-Éman. Sur la ferme, ils étaient aidés d’un berger, Louis Dupont et d’une domestique, Eugénie Blondeau, âgée de 13 ans. La famille Pigalle restera en place peu de temps après le recensement de 1891, l’heure de la retraite approchant.
En 1896, le lieu-dit du Grand Bois Barreau fut occupé par la famille Sineau. Ernest Sineau âgé de 42 ans était marié avec Joséphine Letertre. Ils avaient une fille de 17 ans, Céline. Aucun aide de culture ne vivait sur la ferme. En cette fin de siècle, le bourg de Saint-Éman comptait 5 tuiliers travaillant à la briqueterie dirigée par Joseph Harranger. Ferdinand Gouabault était l’instituteur. Alfred Beaudoux, cafetier, était installé depuis quelques années et le tisserand s’en était allé… Eugénie Allain exerçait le métier de couturière au village. Le château était occupé par le Vicomte Edgar de Goussencourt, âgé de 53 ans, avec son épouse Marie Sthéme, 32 ans, et leurs 3 filles, les demoiselles Louise, Anne-Marie et Élisabeth. Ils étaient entourés de 8 domestiques dont 1 valet de chambre, 3 femmes de chambre, 1 cuisinière, 2 jardiniers et 1 cocher : André Brûlé ayant remplacé Auguste Legoux. Ce dernier s’était tué le 20 août 1894 lors d’un accident à Illiers avec la calèche du château, le vicomte de Goussencourt et sa femme furent également blessés au cours de cet accident.
Charles Sotteau, le patriarche, la genèse d’une saga familiale.
Entre 1901 et 1902, à l’arrivée de la famille de Charles SOTTEAU à la ferme du Grand Bois Barreau, et grâce aux renseignements du recensement de 1906, on sait que parmi les habitants du village, on comptait Simon Allain, tuilier, Ferdinand Gouabault, instituteur, Abel Grégoire, cafetier. Charles Sotteau avait pour voisin, Ernest Percheron, agriculteur à la ferme des Roselles. Ces deux familles allaient unir leurs destinées dans les décennies à venir, dans le labeur et aussi dans la peine, avec des enfants morts à la guerre 39/45. Le Comte Edgar de Goussencourt habitait toujours le château des Pâtis avec son épouse Marie Sthème. A l’époque, ils avaient, entre autres, à leur service l’institutrice Amélie Serrière, le
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
cocher Arsène Dordoigne, et Émilienne Bobet, femme de chambre, sœur de Rose, l’épouse de Charles Sotteau. Alexandre Sivierou, né en 1877 à Thiville était jardinier au château, il avait épousé Désirée Durand, née en 1881 à Villampuy. Ils étaient parents du petit Charles âgé de 4 ans.
La ferme du château était exploitée par Arsène Michel originaire de Bailleau-le-Pin. En cette année 1906, le village comptait 106 habitants.
État civil de Charles Sotteau
Au temps d’avant la Révolution Française, les arrières-grands-parents de Charles, Lucien, Clément Sotteau, étaient Louis Sotteau, charretier, demeurant au Petit Grand Bois, commune d’Illiers, et Marie-Françoise Lhéritier.
Ses grands-parents étaient Louis, François Sotteau né à Illiers le 27 pluviôse de l’an III (15 février 1795) de la République, et Marie Louise Foucault, native de Montigny-le-Chartif. Cette génération de la famille Sotteau a vécu sous le règne de Napoléon Bonaparte.
Charles, Lucien, Clément Sotteau est né le 9 janvier 1860 à Montigny-le-Chartif. Ses parents étaient Charles, François Sotteau, né le 8 octobre 1827, charpentier puis agriculteur et Madeleine, Alexandrine Desnos domiciliés au hameau de Ricourt, commune de Montigny-le-Chartif.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Charles Sotteau s’est marié le 9 octobre 1886 à Montigny-le-Chartif avec Rose, Alexandrine Bobet, fille d’Alexandre Bobet et de Rose, Hyacinthe Leguay, cultivateurs à La Roche, commune de Brou.
Charles Sotteau et Rose Bobet eurent 8 enfants.
Charles, Lucien, Clément Sotteau est décédé le 22 décembre 1941 à Nonvilliers-Grandhoux.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Descendance de Charles Sotteau,
agriculteurs entre Saint-Éman et Nonvilliers-Grand-Houx
(N.D.L.R. : en reprenant la chronologie des registres du recensement de l’époque, les garçons d’abord!)
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Lucien, l’aîné de la fratrie. Né en 1888 à Saint-Éliph. Il exploitera la ferme du Petit Bois Barreau comme mentionné dans le recensement de 1921. Il siégera également au Conseil municipal, aux côtés de son père Charles, maire de 1929 à 1935.
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Armand, Alexandre, né en 1890 à Frazé. Il cultivera la ferme de la Chenarderie à Nonvilliers-Grandhoux.
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Fernand, Edmond, né en 1892 à Happonvilliers. Il sera agriculteur à la ferme de la Coudraye à Nonvilliers-Grandhoux.
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Charles, Henri, né en 1898 à Happonvilliers. Il succédera à son père Charles à la ferme du Grand Bois Barreau à Saint-Éman.
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Henri, Marcel né en 1900 à Happonvilliers, décédé le 14 juillet 1906 à l’âge de 6 ans et inhumé à Saint-Éman, « Regretté de ses parents qui lui garde(sic) un profond souvenir » comme indiqué sur la plaque funéraire.
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Alphonse, André, né en 1903 à Saint-Éman. Il exploitera la ferme des Forts à Nonvillers-Grandhoux. Il sera tué à la guerre en juin 1940.
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Henriette, Renée, l’aînée des filles, née en 1894 à Happonvilliers.
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Lucienne, Charlotte, née en 1905 à Saint-Éman.
Au recensement de 1911, la population du village était passée de 106 à 93 habitants. À la ferme du Grand Bois Barreau, Charles (Lucien, Clément) Sotteau avait accueilli son père, Charles (François, Édouard) âgé de 84 ans, veuf de Madeleine, Alexandrine Desnos. Il décédera quelques mois plus tard, le 22 octobre 1911, et sera inhumé dans le petit cimetière de Saint-Éman.
L’agent recenseur pour éviter toute confusion entre les « Charles » de la famille, avec trois générations sous le même toit, avait pris la sage précaution d’ajouter tous les prénoms de baptême. On avait ainsi rajouté Henri à Charles, le fils né en 1898.
L’aîné, Lucien, âgé de 23 ans à la date du recensement, avait quitté la ferme. Pour mémoire, en 1911, dans le registre de recensement, nous ne retrouvons plus la trace du jeune Henri, qui était décédé en 1906, à l’âge de 6 ans.
Lors de ce recensement, dans le registre, était mentionné Georges Durand, nouveau cocher au château de Saint-Éman qui avait épousé le 27 juin 1908 Éléonore, Émilienne Bobet, sœur de Rose, devenant ainsi le beau-frère de Charles Sotteau… Avant de travailler au château de Saint-Éman, Georges Durand avait été cocher à Exmes dans l’Orne, près du Haras du Pin.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Archives famille Baron-Sotteau. Tirage refait en 1980 par Benoît Pilette, un cousin de la famille côté Bobet.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
© C.Guyon - 19/12/2023
Charles Sotteau marie ses filles au Grand Bois Barreau
Henriette, Renée Sotteau l’aînée des deux filles est née le 10 juillet 1894 à Happonvilliers. Ses parents Charles Sotteau, et Rose Bobet habitaient à l’époque à la ferme de « La Romanie ».
La déclaration de naissance en mairie mentionnait la présence des témoins : Bergier Henri, aubergiste et Lejeune Albert, instituteur.
Le 17 avril 1914, Henriette Sotteau, domiciliée avec ses parents au Grand Bois Barreau, épousait, à l’âge de 20 ans, Léon, Paul, René Savoye, maçon, domicilié aux Dauffrais, commune d’Illiers. Il était le fils des époux Savoye Pierre, Paul, Ambroise, maçon et cafetier, et Huvet Mathilde Éléonore, Joséphine, épicière, domiciliés ensemble aux Dauffrais.
La publication de mariage fut affichée à la porte de la mairie le 27 mars 1914 par Ferdinand, Célestin, Hippolyte Gouabault, maire de Saint-Éman.
Son mari, Léon Savoye, caporal au 117éme Régiment d’Infanterie fut tué, à l’âge de 24 ans, au début de la guerre 14/18, lors des sanglants affrontements de Montigny dans la Meuse, le 31 août 1914. Il est honoré sur le monument aux morts d’Illiers-Combray, place de la gare, et sur la plaque de marbre commémorative dans l’église Saint-Jacques : « Léon Savoye, Mort pour la France »
La bataille au cours de laquelle Léon Savoye a perdu la vie, alors qu’il était en position avec son régiment devant le village de Montigny, a été décrite avec la carte des combats et des photos d’époque par Le Souvenir Français, Comité cantonal de Dun-sur-Meuse.
Veuve, Henriette Sotteau s’est remariée à Illiers le 8 novembre 1919 avec Sosthène, Raphaël, Gaston Huvet.
Henriette Sotteau est décédée à Montigny-le-Chartif le 18 mai 1971.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Lucienne, Charlotte Sotteau, quant à elle, est née à Saint-Éman le 8 janvier 1905. L’acte de naissance a été dressé par Louis, Antoine, « Edgar » comte de Goussencourt, maire et officier de l’état civil, avec pour témoins, Fauquet Gustave, propriétaire, et Grégoire, James, Abel, cafetier.
Elle s’était mariée à Saint-Éman, le 24 avril 1926 avec Alphonse, Denis, Philippe.
Lucienne Sotteau est décédée à Chartres le 15 mars 1981, à l’âge de 76 ans.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Les mariages des garçons Sotteau
Lucien, Fernand , Armand, Charles
Le 14 juin 1919, Lucien Sotteau, 31 ans, le fils aîné de Charles Sotteau, se mariait avec Aline Petit. Au moment de son mariage, Lucien résidait au Grand Bois Barreau. Sa femme, Aline Petit, âgée de 28 ans, habitait au lieu-dit Les Roselles. Ils étaient voisins. Aline Petit exerçait le métier de couturière. Le marié avait pour témoins ses deux frères Armand et Fernand. Aline Petit était entourée d’Armand Petit, son frère, bourrelier à Nogent-le-Roi, et de Victor Bazin, son oncle, cultivateur à Nonvilliers-Grandhoux.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Au cours de l’année 1920, Charles Sotteau voyait son fils Fernand se marier à Nonvilliers-Grandhoux.
Fernand, Edmond Sotteau était né le 26 mars 1892 à Happonvilliers. Il était le troisième garçon de la fratrie. Il épousait Berthe, Cécile, Ferdinande Rousseau le 26 avril 1920 à Nonvilliers-Grandhoux. La publication avait été signée et publiée le 12 avril par Jacques Feugère des Forts, maire et officier d’état civil. Fernand Sotteau y était déclaré exerçant le métier de charretier, domicilié à Saint-Éman. Berthe Rousseau, aide de culture, habitait la Coudraie, hameau de la commune de Nonvilliers.
Archives Baron-Sotteau
En 1921, dix ans après le dernier recensement dérogeant à la fréquence quinquennale du fait de la Première Guerre mondiale de 1914-1918, nous ne comptions au foyer de Charles Sotteau que six personnes ! Les trois garçons, Armand, Charles (Henri) et Alphonse travaillaient à la ferme ainsi que Lucienne, les autres enfants de la fratrie étaient partis sur d’autres exploitations agricoles.
Le 26 avril 1921, Charles (Henri) épousait à Nonvilliers-Grandhoux Émilia Dourdoigne dont les parents exploitaient la ferme de Prè-Voisin à Nonvilliers. La photo de mariage a été prise devant le café-épicerie de Nonvilliers-Grandhoux, sous une grande plaque émaillée vantant les mérites du Chocolat Menier. Il y a plus d’un siècle et la publicité déjà nous envahissait ! Le commerce était tenu par la famille Journet, les habitants du village disaient familièrement « aller chez Charlotte ». Par la suite, le lieu est devenu une petite exploitation agricole cultivée par Gilbert… Sotteau, l’un des fils d’Armand. Décidément, au fil des générations, que d’hectares labourés, ensemencés, moissonnés par la famille Sotteau sur les terres de Saint-Éman et de Nonvilliers-Grandhoux !
Quelques semaines plus tôt le 7 mars plus précisément, Armand, frère aîné de Charles (Henri), s’était marié en la même mairie avec Marguerite Rousseau.
Photo mariage de Charles (Henri) Sotteau et Émilia Dourdoigne le 26 avril 1921, Archives Baron-Sotteau. Sur la photo, nous pouvons reconnaître Marie-Thérése de Chabot, la jeune femme en haut à droite, et sa maman, Mme Feugère des Forts au deuxième rang complètement à droite.
Source : Extrait registre mairie de Nonvilliers-Grandhoux
Dans le village, les années passant, on découvrait de nouveaux visages, ceux de Louis Silly, tuilier avec ses deux ouvriers Maurice et Lucien Boivin, ainsi que celui de Maurice Lecomte, l’instituteur. Le registre nous indique que Madame Marie Nathalie d’Arnal de Serres était la nouvelle propriétaire et occupante du château. Le comte Edgar de Goussencourt venait de décéder et avec lui s’éteignait la longue lignée de ces trois derniers siècles avec les familles Du Mouchet de La Mouchetière, de Malart, de Goussencourt unies par des liens matrimoniaux.
En 1921, la ferme voisine, au Petit Bois Barreau était exploitée par le propre fils de Charles Sotteau, Lucien, l’aîné de la fratrie, âgé de 33 ans, marié avec Aline Petit. En 1921, ils avaient deux enfants, des jumeaux, nés à Saint-Éman le 23 décembre 1919 : Fernand et Lucie. Lucien fils, dernier de la fratrie, naîtra en 1926.
Lucien Sotteau avait remplacé à la ferme du Petit Grand Bois, Aristide, Ulysse Hâteau originaire de Bonneval.
En février 1957, Lucien Sotteau se tuera du côté de la Grande Barre suite à une chute de vélo, à l’âge de 69 ans.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Lors du recensement de 1926, nous constatons que la ferme du Grand Bois Barreau n’abritait plus que cinq personnes. Pour les travaux agricoles, Charles Sotteau, âgé de 66 ans, était secondé par sa femme, son fils cadet Alphonse, et sa fille Lucienne. La famille se faisait aider par un ouvrier agricole, logé à la ferme, Louis Charles Ségretain originaire de Montigny-le-Chartif. A cette époque, la population du village continuait à diminuer, 86 habitants étaient recensés.
Au mois de mai 1929, Charles Sotteau (*), à l’âge de 69 ans, fut élu maire du village de Saint-Éman succédant à Albert Courteil. Son mandat expirera le 19 mai 1935. Il sera remplacé par Félicien Duchêne agriculteur à la ferme des Lubineries.
Hors-cadre
Scènes de vie au Grand Bois Barreau pendant les années 1930
. (Archives personnelles Sotteau-Baron avec leur aimable autorisation, retirages faits en 1980 par Benoît Pilette, cousin de la famille côté Bobet)
Au recensement de l’année 1931, à la ferme du Grand Bois Barreau, Charles Sotteau hébergeait Alphonse Philippe qui s’était marié avec Lucienne, sa fille. Son gendre travaillait sur la ferme et le couple avait un petit garçon, Pierre, âgé de 2 ans. Le registre de recensement indiquait aussi la présence au domicile d’une bru de Charles Sotteau, se prénommant Hélène, sans profession, née Guet en 1910 à Montigny-le-Chartif mariée à Alphonse, ils étaient logés tous les deux à la ferme.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
En 1936, Alphonse Philippe, le gendre de Charles Sotteau, avait quitté la ferme. Seul Alphonse Sotteau, le dernier des fils, était resté sur l’exploitation en qualité d’aide de culture. Deux ouvriers, vivant également sur place, avaient été embauchés pour les travaux de la ferme : Robert Davignon natif de Frazé, et René Chaboche natif des Corvées-les-Yys.
Dans le village, le registre du recensement nous précise que le château était toujours déclaré inhabité. Léon Loison exploitant la ferme des Pâtis avait fait appel à de la main-d’œuvre étrangère pour les travaux saisonniers. Augustinie natif de Tchécoslovaquie, et Racovalis natif de Grèce étaient logés à la ferme. Léa Rouzière, née Girard en 1912 à Assay (Deux Sèvres) était la nouvelle institutrice à l’école de Saint-Éman.
Charles Lucien Clément Sotteau, vers ses 75 ans, après son mandat de maire et une vie bien remplie, quitta avec son épouse, la ferme du Grand Bois Barreau pour aller vivre chez leur fils Alphonse. Ce dernier exploitait désormais la ferme des Forts, propriété de Jacques Feugère des Forts (*), également maire de Nonvilliers-Grandhoux, qui décédera le 20 juin 1943. À la ferme des Forts, Alphonse Sotteau succédait à Georges Charrier natif du village voisin des Châtelliers-Notre-Dame.
(*) N.D.L.R. : Sa fille Marie-Thérèse Feugère des Forts épousera François de Chabot le 1er juillet 1930 à Nonvilliers-Grandhoux.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
À ce stade de l’écriture du présent article, et après moult archives consultées, les différents prénoms de baptême de la famille Sotteau font écho à nos oreilles. Les parentés, chronologiquement, se dénouent au fil des évocations, les alliances se précisent avec de nouveaux patronymes à mémoriser…
La photo prise entre 1936 et 1938, dans la cour de la ferme des Forts sur la commune de Nonvilliers-Grandhoux nous permet de mettre enfin un visage sur un nom et de faire ainsi connaissance avec les différents membres de la famille, de tous âges, de toutes générations…. Des sabots aux sandales des enfants, des casquettes aux coiffes percheronnes… témoins d’une époque révolue.
Un photographe a immortalisé cette rencontre familiale, un dimanche à la campagne, un moment de partage, de bonheur simple dans un monde de labeur, réunissant plusieurs générations, dans la joie d’être ensemble, et dans l’insouciance des malheurs, des peines à venir avec la guerre qui se profile.
Photo famille Sotteau 1936/1938, Les Forts, archives Baron-Sotteau, légendes Valentin Baron. Il s’agit d’un retirage fait en 1980 par Benoît Pilette, cousin de la famille du côté Bobet.
La guerre de 1939-1945 n’avait pas permis à l’administration d’effectuer le recensement prévu pour l’année 1941. En 1946, le registre nous indique que la population de Saint-Éman était passée à 99 habitants. Le bourg comptait seulement 34 habitants, le reste de la population habitait dans les fermes environnantes et majoritairement aux Pâtis (15 personnes), et les Petites Vallées (14 personnes).
Photos de Saint-Éman dans les années 1940 : à gauche, La Taillanderie, personnage de gauche identifié : Raymonde Silly, à droite photo de l’église.
Après la guerre, nous notions bien du changement chez la famille Sotteau à la ferme du Grand Bois Barreau. La maison s’était vidée, au début du siècle elle abritait 10 personnes, et en 1946, nous en recensions plus que 4 ! L’exploitation était dorénavant exploitée par Charles Henri Sotteau, âgé de 48 ans, quatrième fils de Charles Lucien Sotteau, le patriarche décédé. Charles Henri Sotteau était marié avec Émilia Dourdoigne. Leur fils Paul, 16 ans, né au Cormier à Nonvilliers-Grand-Houx, travaillait comme aide de culture sur l’exploitation. Raymond Barrière était mentionné comme seul domestique logé sur la ferme. Émile, l’aîné, qui était né au Plévoisin à Nonvilliers-Grandhoux, en 1923, ne figurait pas sur le recensement de l’année 1946 car il effectuait à cette époque, à la sortie de la guerre 39/45, son service militaire. Il était affecté dans un premier temps à la surveillance du camp de prisonniers allemands à Morancez avant de repartir dans une caserne du sud de la France, à Nice « à l’époque des mimosas en fleurs » comme nous le rappelle sa fille Françoise.
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
Source : Archives départementales de l'Eure-et-Loir
À l’époque du recensement de 1946, au bourg de Saint-Éman, Fernand Dablin, âgé de 34 ans, était le nouvel instituteur. Il habitait à la Taillanderie avec sa femme et sa petite fille. Louis Hallouin, leur voisin, était le facteur du village, aidé par Adrienne Choquet (*) mentionnée dans le registre en qualité d’« auxiliaire des P.T.T. ».
(*) N.D.L.R. : Adrienne Choquet, née Sergent, était la 2ème épouse d’André Choquet, père de notre figure locale, Henri Choquet, tuilier-briquetier).
Le château était toujours inoccupé, laissé à l’abandon, se détériorant au fil du temps, verrière cassée, murs fissurés, ardoises envolées... Léon Loison continuait à exploiter la ferme des Pâtis. Henri Saus, dans les communs du château se livrait à l’activité d’« éleveur de chevaux de sang » avec Jules Lambert, palefrenier. Au lieu-dit Les Petites Vallées, vivait la famille d’Ernest Taillandier, ouvrier agricole, avec 11 enfants... ainsi allait la vie à Saint-Éman.
En 1948, l’exploitation des deux fermes des Forts et du Grand Bois Barreau a été regroupée pour le compte des propriétaires, la famille de Marie-Thérèse de Chabot, une dame altruiste qui a laissé en notre mémoire de belles qualités humaines. Émile Sotteau devenait le chef de culture de ce domaine agricole à la mort de son père Charles, Henri Sotteau en 1953. Émile Sotteau continua à habiter au Grand Bois Barreau jusqu’en 1982, l’âge de la retraite approchant… après toutes ces décennies, et plusieurs générations, le nom de Sotteau n’allait plus rimer avec celui du Grand Bois Barreau… et à l’heure de tourner la page, cette citation prend tout son sens :
« Les gens sont d’abord nés d’un lieu et souvent ce lieu vaut pour parenté ».
Clara Dupont-Monod, S’adapter
Hommage à Émile Sotteau
1923 – 2001
Dans son édition du mardi 16 octobre 2001, le journal L’ACTION, par la plume de Joël Anfray, rendait hommage à Émile Sotteau « Une figure marquante de la commune disparaît ».
Si beaucoup savaient qu’Émile Sotteau avait depuis quelque temps déjà des problèmes de santé, l’annonce de son décès, survenu le 10 octobre, a causé surprise et consternation chez beaucoup de nonvillois. C’est à Nonvilliers-Grandhoux, où il était né en 1923, qu’il a grandi, qu’il a exercé toute sa vie professionnelle (N.D.L.R. : Habitant toutefois au Grand Bois Barreau à Saint-Éman, berceau de sa famille depuis 1902) et qu’il a fait construire une maison où il écoulait des jours paisibles, profitant d’une retraite bien méritée. Parallèlement à une vie professionnelle exemplaire, il avait souhaité se mettre au service de la commune et de ses habitants. Élu en 1959 au conseil municipal (N.D.L.R. : sous le mandat d’Alfred Journet, maire), il y est resté durant 36 ans sans interruption, dont 12 années comme adjoint au maire. Il avait d’ailleurs reçu à ce titre, en 1995, une médaille de vermeil régionale, départementale et communale. Pour servir sa commune, c’est en tant que sapeur-pompier volontaire qu’il passera 33 ans au sein du C.P.I. de Nonvilliers-Grandhoux qu’il assumera la charge de chef de corps durant 26 années. Il avait d’ailleurs reçu pour cela une autre médaille de vermeil.
Enfin, il s’était engagé dans le bénévolat en participant à la vie de diverses associations communales et s’était impliqué très activement dans le son et lumière « Entre Perche et Beauce » pour lequel il n’a jamais compté son temps, en étant à la fois un acteur aux rôles multiples et un membre très actif de l’organisation et du fonctionnement de l’association (N.D.L.R. : des Corvées-les-Yys), et cela durant de nombreuses années. Beaucoup d’habitants de la commune vont sûrement ressentir un grand vide à l’idée de ne plus le rencontrer au détour d’un chemin ou d’une rue du village, parcourant sur son vélo cette région qu’il aimait tant. Sa gentillesse et sa modestie, sa disponibilité de chaque instant et son dévouement à l’égard de tous font que son décès est ressenti par beaucoup de nonvillois comme le départ d’un ami. A son épouse, à ses enfants, à sa famille et à ses nombreux amis, l’Action Républicaine présente ses plus sincères condoléances.
N.D.L.R. : L’article est illustré par une photo d’Émile Sotteau, acteur du spectacle Entre Perche et Beauce levant sa main comme pour nous adresser un ultime et sympathique « au revoir » avec sa bonhomie habituelle, un fléau sur l’épaule, symbole des travaux des champs auxquels il avait consacré sa vie dans le respect des traditions rurales qu’il chérissait.
Pendant près d’un siècle, de Charles à Émile, la famille Sotteau, sur trois générations, a imprégné de son nom le lieu- dit du Grand Bois Barreau, à Saint-Éman, avec ses joies, ses peines.
Aujourd’hui, Françoise Baron-Sotteau, passant en voiture en cet endroit, lieu de sa naissance, ne manque pas de ralentir, jetant un regard sur les bâtiments chargés de l’histoire familiale, guettant la silhouette furtive de son père, d’un aïeul,… à l’ombre d’un tilleul, avec, résonnant encore à ses oreilles, l’écho de voix familières déjouant l’oubli à travers le temps qui passe… et toujours avec la même émotion.