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Saint Éman : le miracle du cheval "emprunté"

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Au fil des années, entrecoupées par plusieurs séjours entre Chartres et Autun, où il retrouvait son ami Nectaire, évêque de la cité, la réputation et l’aura de saint Éman allaient grandissantes dans toute la région des Carnutes. Il multipliait les conversions à la religion catholique, il repoussait avec patience et pugnacité les limites de l’incrédulité ambiante. Ce n’était pas du goût de tous! Certains voyaient en cet évangélisateur convaincant et au charisme évident, une menace pour leur cupidité sans foi, ni loi.
 

Du côté d’Islernia (Illiers), saint Eman comptait l’un de ses principaux disciples, Bladastus. Ce puissant seigneur avait docilement fait siennes les paroles de l’Évangile, se laissant convertir au grand dam de ses serviteurs brutaux et médisants dont Abbo, leur chef, le plus fourbe d’entre eux.

Au cours de ses pérégrinations dans cette contrée, entre plaine et forêts, saint Éman aimait venir se rafraîchir et méditer auprès d’une source, à l’orée de la forêt du Perche. Dans la clairière, confiant, il laissait paître son cheval en toute liberté.

Un jour, en fin d’après-midi, Abbo, à l’affût dans les taillis environnants avec quelques sinistres compagnons, profita de quelques moments d’inattention de saint Éman pour lui voler son cheval. Il donna rendez-vous pour le lendemain à ses compagnons en la demeure du seigneur Bladastus à une lieue de là.

Abbo sauta vivement sur le cheval qui était resté sellé dans le pré, sans se retourner, sans même un regard pour saint Éman, qui fut surpris par cette irruption voyant ainsi son cheval s’échapper sous les violents coups de talon de son nouveau cavalier.

 

Saint Éman, le regard plein de bonté et de miséricorde, fit un signe de croix en direction de cette silhouette sombre qui s’éloignait. Le crépuscule commençait à assombrir les environs. Une nuit sans lune allait bientôt envelopper les bocages.

 

Voulant mettre de la distance avec ce saint Éman qu’il maudissait, Abbo galopa, galopa encore  avec le sourire satisfait du gredin qui a joué un bien vilain tour! Les heures s’écoulaient, et Abbo allait toujours à bride abattue. Il était vivement secoué, il retombait lourdement sur la selle bien dure! Ses fesses étaient meurtries et douloureuses. Le sourire fier et vengeur s’était mué en une vilaine grimace. La course du cheval semblait interminable, Abbo ne pouvait plus l’arrêter. Il avait l’impression d’avoir traversé toute la contrée, de l’avoir sillonnée en long et en large. Les heures passaient. Les premières lueurs du soleil commencèrent à blanchir l’horizon. A sa grande surprise, et à sa plus grande honte, Abbo constata qu’il se retrouvait à la même  place que la veille au soir, dans le même décor, là, à côté de la source! Il était cloué sur le cheval, comme aimanté, et ne pouvait en descendre. Devant lui, saint Éman venait à sa rencontre avec indulgence et clémence. Ayant pitié de lui, le saint homme  le délivra par la puissance du signe de croix et dans sa bonté, voulant vaincre le mal, il lui fit un présent. Ce présent était une paire de sandales en cuir pour bien marcher et ôter pour toujours à Abbo l’envie de voler le cheval de son prochain.

 

Bien mal acquis ne profite jamais.

(Bible : proverbe de Salomon).

 

Cet épisode de la cavalcade nocturne sur place allait désormais être connu sous le nom du Miracle de saint Éman, le miracle du cheval « emprunté ».

 

Mais la miséricorde de saint Éman allait lui être fatale… Abbo, en arrivant chez le seigneur Bladastus, fut chahuté et ridiculisé par ses compagnons le voyant revenir à pied, boitant, les reins brisés et les fesses meurtries. Abbo ruminait sa vengeance, elle allait être terrible, elle fera de saint Éman un nouveau Martyr.

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