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Quand la presse locale se fait l'écho
de la petite histoire de Saint-Éman au XIXe siècle...

 

 

Nous avons feuilleté plus de 25.000 pages des journaux locaux, le Journal de Chartres et plus accessoirement le Messager de Bonneval, parus au cours du XIXe siècle pour y « excaver » de sombres faits divers et quelques actualités plus légères, au milieu de cette mine d’informations, qui font l’histoire du petit village de Saint-Éman. Histoire que l’on peut dupliquer auprès des bourgs et hameaux voisins, car il en allait ainsi de la besogneuse vie campagnarde du XIXe siècle, entre Beauce et Perche… Des joies, des peines, des peines surtout !

 

C’est seulement à partir de 1852 que nous trouvons les premiers articles évoquant Saint-Éman et ses habitants…

Janvier 1852

Vol dans l'église.

Dans la nuit du 18 au 19 courant, des voleurs ont pénétré, à l’aide d’une échelle, et en brisant l’une des fenêtres, dans l’église de cette commune. Ils ont fracturé les troncs et le banc-d’oeuvre, où ils ont enlevé une somme de vingt et quelques francs. On n’a pu savoir d’où venait l’échelle qu’ils avaient laissée sur les lieux.

1852

Mai 1852

Un nouveau vol dans l'église.

L’une des nuits de la semaine dernière, des voleurs ont escaladé une des fenêtres de l’église de cette commune, et en forçant les troncs et le banc-d’oeuvre, se sont emparés d’une somme évaluée à 10 fr environ. Un banc qui se trouvait à l’intérieur de l’église les a aidés à sortir par le même chemin.

Janvier 1859

Orage.

On nous écrit d’Illiers que le Loir et la Thironne ont débordé à la suite de l’ouragan qui est venu fondre le 27 juin sur le territoire de cette commune. En plusieurs endroits les foins ont été vasés. A Saint-Éman et aux Châtelliers, les blés ont été couchés par la violence des pluies. Les dommages ne sont cependant pas irrémédiables et il y a à peine un dixième des récoltes de totalement perdu.

Septembre 1869

Incendie.

Encore un commencement d’incendie dû à l’imprudence d’un fumeur, qui, après avoir allumé sa pipe, a jeté sur l’herbe sèche son allumette. Jeudi, Mme Dumay, de Saint Éman, s’est aperçue vers trois heure et demie que le feu était dans un bois appartenant à son frère. Elle se hâta d’envoyer chercher du secours, et les habitants du hameau accoururent en toute hâte. Au bout d’une demie-heure de travail, les flammes étaient éteintes. Les dégâts sont sans importance.

Août 1870

Avril et juillet 1871

Garde mobile et officiers.

Une circulaire du Préfet Brassier en date du 10 août 1870 adressée aux maires précise l’organisation de la Garde nationale avec un modèle d’engagement pour la Compagnie des Francs-Tireurs. Parmi les officiers de la Garde mobile du département est cité le Baron Edgar de Goussencourt de Saint-Éman au grade de capitaine.

N.D.L.R. : Dans l’ouvrage Souvenirs d’un Sergent-Major par Théophile Couronnet édité par la Fédération des Amis du Perche, nous apprenons que le 4éme Bataillon de Garde mobile était composé de conscrits originaires de l’arrondissement de Nogent-le-Rotrou et ceux des cantons d’Illiers et de Courville de l’arrondissement de Chartres. Les soldats du canton d’Illiers étaient affectés aux 2e et 3e compagnies. La 2e compagnie était sous les ordres du Capitaine de Goussencourt.

Vol de l'armée prussienne.

Le 5 janvier 1871, il a été pris par les Prussiens une voiture guimbarde à un cheval, peinte en vert, ridelles planchéiées et fausses ridelles, limon de gauche neuf ayant une âme sous le milieu, barre de fer au vieux limon. Plaque au nom de Fauquet-Laille, cultivateur à Saint-Éman, canton d’Illiers.

On réclame un tombereau à un cheval, peint en vert, avec plaque au nom de Blin-Lemoine, tuilier à Vérigny (Eure-et-Loir), et résidant maintenant à Saint-Éman, canton d’Illiers.

(N.D.L.R. : François Blin avait remplacé Louis Beaudoux, tuilier, vers 1865).

 

Un petit chariot à un cheval a été abandonné dans la commune de Saint-Éman. Le réclamer à la mairie.

Juillet 1873

Vol de ruches.

Pendant la nuit du 28 au 29 juin, deux ruches d’abeilles ont été dérobées à M. Onillon, propriétaire aux Fauquetteries. Leur valeur est de 20 à 24 francs ; elles ne renfermaient pas de miel. Ce qui laisse à supposer que c’est un amateur qui a voulu simplement se procurer des mouches sans bourse délier.

Novembre 1873

Chemin de fer Illiers-Brou.

Dans cet article, nous apprenons que la famille Auger-Gâtineau de Saint-Éman est concernée par les expropriations menées sur la commune d’Illiers, au niveau de leur parcelle sise à La Patrière, dans le cadre du tracé de la nouvelle voie ferrée.

Septembre 1875

Chemin de fer Illiers-Brou.

Dans cet article, nous apprenons que la famille Auger-Gâtineau de Saint-Éman est concernée par les expropriations menées sur la commune d’Illiers, au niveau de leur parcelle sise à La Patrière, dans le cadre du tracé de la nouvelle voie ferrée.

Décembre 1875

 

A trois heures du soir, les six aéronautes opéraient leur descente aux Dauffrais, près d’Illiers, dans d’excellentes conditions. Quelques heures après, ils repartaient en voiture pour Paris, très satisfaits du concours empressés des habitants lorsqu’ils avaient touché terre.

 

(N.D.L.R. : Quelques jours plus tard, le mercredi 8 décembre, l’aéronaute Tissandier aura un accident avec le ballon l’Univers, la nacelle comptant 8 personnes, parti de l’usine à gaz de la Villette s’écrasa en direction de Vincennes. On dénombra 5 blessés avec de nombreuses et graves fractures.

Un ballon aux Dauffrais.

Lundi [29 novembre], à onze heures et demie, avait lieu à l’usine à gaz de la Villette l’ascension du ballon l’Atmosphère, monté par MM. Poitevin, Albert et Gaston Tissandier, Rodier et Frauzen frères. Cette ascension avait été différée depuis quelques jours à cause du mauvais temps.

Avril 1877

Attention, chien dangereux.

Dimanche 29 avril, dans la matinée, un chien berger, à longs poils noirs, traînant derrière lui un bout de corde, traversait les rues d’Illiers, mordant tous les animaux de son espèce qu’il rencontrait sur son parcours. Il fila à toute vitesse sur Saint-Éman, par la route de Courville, et parvint à échapper aux gendarmes qui, aidés du reste par de nombreux volontaires, le poursuivirent à une distance de plus de 8 kilomètres, et perdirent sa trace dans les bois situés sur le territoire de Nonvilliers-Grandhoux.

Juillet 1878

Exposition universelle.

Deux ans après la livraison du bélier hydraulique à Saint-Éman, sur commande du Comte de Goussencourt, son fabricant Ernest Bollée, fondeur mécanicien au Mans, était distingué à l’Exposition universelle de Paris en présentant, à côté du pavillon des vitraux de M. Lorin de Chartres, un carillon de 44 cloches destiné à la ville de Perpignan.

Avril 1879

Le maire de Saint-Éman suspendu !

 

                            Saint-Éman, le 8 avril 1879.

         Monsieur le Préfet,

            Je viens de recevoir communication de votre arrêté du 3 avril 1879, par lequel vous me suspendez de mes fonctions de maire pendant deux mois pour n’avoir pas affiché l’ordre du jour Rameau(*).

(*)(N.D.L.R. : Il s’agit de l’ordre du jour « de flétrissure » rédigé par le député Charles Rameau, élu du groupe de la Gauche républicaine, cet acte illustre l’un des épisodes de la crise politique et institutionnelle de la Troisième République trouvant son origine le 16 mai 1877 et opposant le président de la République, le maréchal Mac Mahon, monarchiste, à la Chambre des députés élue en 1876, à la majorité républicaine, menée par Léon Gambetta).

            De deux maux, monsieur le Préfet, il faut, dit-on, toujours choisir le moindre, et je préfère vos foudres administratives à la responsabilité que j’aurais pu encourir en me rendant complice de la mesure, quelque peu arbitraire, prise par la majorité de la Chambre des députés.

            La Chambre, en effet monsieur le Préfet, vous vous en souvenez peut-être, a déclaré qu’il était impossible de mettre en accusation les ministres du 16 mai. C’est donc à des gens reconnus non coupables par ceux-là même qui les accusaient, que s’adresse en réalité cet ordre du jour de prétendue flétrissure.

            Le langage ordinaire, qui n’a pas les ressources de la langue parlementaire, appelle cela une diffamation. La majorité, composée de députés inviolables, a fait ce qui lui a convenu : la suivre dans cette voie serait peut-être dangereux pour nous, que ne couvre pas l’immunité parlementaire.           

M. le baron de Goussencourt vient d’adresser à M. le Préfet la lettre suivante :

De plus, les conditions toutes particulières dans lesquelles se trouvent le maire et la mairie de Saint-Éman, eussent encore pu aggraver ma responsabilité.

            Nouveau venu dans ce département, absorbé depuis votre arrivée par les graves soucis et les hautes préoccupations de la politique, vous ignorez sans doute, monsieur le Préfet(*), ces conditions particulières d’administration.

(*)  (N.D.L.R. : Il s’agit du Préfet Louis Henri Fontaine, à Chartres du 20 décembre 1877 au 12 janvier 1880).

            Je n’ai pas les mêmes raisons de les méconnaître. Je rentre donc pour deux mois sous ma tente, absolument prêt à reprendre, à l’expiration de ce délai, les fonctions municipales que mes concitoyens m’ont imposées et qu’ils sont tout disposés à m’imposer encore dès que l’occasion s’en présentera.

            Recevez, monsieur le Préfet, l’expression de mes sentiments distingués.

                                                                                               Baron de Goussencourt,

                                                                                               1er conseiller municipal.

Juin 1879

Infanticide, arrestation.

Nous apprenons qu’une descente de justice a été opérée lundi dernier au hameau de la Morinerie à Saint-Éman. A la suite de l’enquête sommaire ouverte par les magistrats du parquet de Chartres, deux arrestations ont été opérées. Il s’agit d’une affaire d’infanticide, dont la principale inculpée est une jeune fille de 22 ans, servante chez un sieur D…, compris dans l’instruction comme complice. Le cadavre du nouveau né a été retrouvé enfoui sous 60 centimètres de terre, dans le jardin de la maison d’habitation.

Septembre 1879

Accident mortel.

Lundi dernier [22 septembre 1879], vers 7 heures du matin, M. Bonnet, domestique à Nonvilliers, suivait la route qui conduit à Illiers, conduisant une voiture attelée de deux chevaux. Il se rendait à la gare chercher du guano pour son maître, M. Dezelus. Au moment où il arrivait près d’un chemin de traverse, une carriole conduite par M. Garnier, domestique chez M. le baron de Goussencourt, débouchait sur la route et prenait le trot. L’attelage de Bonnet voulut se mettre à la même allure. Le pauvre homme s’était assis sur le brancard de la guimbarde en avant de la roue, et, n’ayant pas de guides pour maîtriser ses chevaux, il voulut sauter à terre pour s’en rendre maître. Malheureusement il tomba et la roue lui passa sur la tête. La mort fut pour ainsi dire instantanée. M. et Mme de Goussencourt, prévenus par leur domestique, M. Garnier, s’étaient hâtés d’accourir munis d’une petite pharmacie portative, mais tout secours était inutile. La victime de cette imprudence était excellent ouvrier, d’une conduite exemplaire et dont son maître fait le plus grand éloge. Il n’était âgé que de 27 ans, et laisse une veuve et un tout jeune enfant.

1881

Avril 1881

Un duel à Illiers.

N.D.L.R. : Compte-tenu de l’intérêt témoigné depuis plusieurs décennies par la famille Monier-Barrois d’Illiers-Combray envers notre petit village de Saint-Éman, nous ne pouvions passer sous silence un fait singulier qui a particulièrement marqué cette famille. Dans l’édition du Journal de Chartres en date du jeudi 21 avril 1881 nous pouvions lire :

UN DUEL A ILLIERS

 

           Nous apprenons de source certaine qu’à la suite d’une polémique suivie dans les colonnes de l’Union agricole entre MM. le docteur Lemoine, Hayes, Barrois et Léonce Renard, une proposition de duel a eu lieu.

        Dimanche dernier, MM. Delabarre, percepteur, et Froger ont couru après M. Barrois pour lui demander une réparation d’honneur, au nom de M. Léonce Renard, qui s’est trouvé durement qualifié dans la dernière lettre de M. Barrois. 

         A cette demande qui, parait-il, ne brillait pas par la courtoisie, M. Barrois, qui partait pour visiter un malade, a répondu en priant ces messieurs de revenir le soir vers neuf heures pour recevoir sa réponse

          A l’heure dite, les témoins de M. Renard se sont présentés à M. Barrois dans les mêmes conditions que la première fois et il leur a été répondu que dans la circonstance il n’y avait pas lieu à examiner la question du duel. Puis M. Barrois a prié les témoins de sortir de suite de chez lui.

          Il semble que depuis les dernières élections un certain nombre de têtes se soient échauffées plus que de raison à Illiers ; nous espérons pourtant que, le duel étant écarté, on n’en viendra pas non plus à offrir au public une scène de pugilat, plus ou moins en règle.

N.D.L.R. : A titre exceptionnel et amical, Mme Jeanne Monier-Godard, et son fils Jean-François nous ont présenté le 15 novembre 2023 (142 ans après cet événement relaté...) les pistolets de duel et poire à poudre du Dr Barrois toujours conservés à Illiers dans les archives familiales. Mme Monier se souvient que cette histoire était évoquée à l’occasion de certains repas dominicaux. On aimait raconter la manière dont le Dr Barrois avait sorti « manu militari » les témoins de Léonce Renard par la porte du cabinet médical au 37, rue de Beauce… le percepteur Delabarre prenant ses jambes à son cou…

Le duel avait effectivement été écarté, mais le Dr Barrois avait décidé de faire sans plus tarder l’acquisition de pistolets de duel compte tenu de la vive et tenace polémique régnant au sein du nouveau conseil municipal.

Mai 1881

Comice agricole, le baron de Goussencourt distingué.

Le Comice agricole de l’arrondissement de Chartres se tenait le dimanche 22 mai à Illiers. Pour l’exposition d’horticulture on pouvait lire :

 

« Organisée par M. Larcher, président de la Société d’horticulture pour le canton, l’exposition était ingénieusement installée… Loin de nous la prétention d’énumérer sans oubli tous les exposants ; mais nous pouvons citer parmi les principaux : M. le baron de Goussencourt, du château de Saint-Éman, pour ses bouquets, ses chamaerops (N.D.L.R. : petits palmiers aux feuilles en éventail), ses plantes de serres tempérées, ses légumes…. ».

 

Au titre des cultures maraîchères et fruitières, il a été décerné une médaille de vermeil à M. Hubert, jardinier chez M. le baron de Goussencourt, au château de Saint-Éman, pour son lot de légumes de primeur et de saison. Jardinier également distingué au titre des cultures florales et arbustives par une médaille d’argent 1ère classe pour plusieurs lots de plantes fleuries et deux chamaerops en grands vases.

Août 1881

Mort du fils Cabaret de la ferme des Pâtis.

Le mercredi 31 août, MM. Cabaret père et fils, cultivateurs à Saint-Éman, revenaient en carriole du marché de Brou. Vers sept heures du soir ils atteignaient le hameau de La Revetterie, quand leur cheval s’emporta tout à coup. La roue vint à passer sur un tas de pierres qui bordent la route, et, la voiture culbutant, les voyageurs roulèrent dans le fossé. Plusieurs personnes accoururent à leur aide, notamment M. Marchais, maire des Châtelliers-Notre-Dame, qui les suivait à peu de distance en cabriolet. M. Cabaret père se releva n’ayant reçu que des contusions peu graves. Il n’en était pas de même de son fils qui se plaignait de violentes douleurs internes. M. Marchais le fit monter dans son équipage et, en passant à Illiers, le conduisit chez M. le docteur Lemoine, lequel, après examen, ne constata aucune fracture, mais ne put se prononcer sur les suites de l’accident. M. Marchais continua sa route avec le blessé jusqu’à Saint-Éman où, aidé des domestiques de ce dernier, il le déposa sur son lit. La position de M. Cabaret alla toujours en s’aggravant et le matin à quatre heures, malgré les soins les plus empressés, il expirait entre les bras de sa femme. Il n’était âgé que de 34 ans.

Mai 1883

Le baron de Goussencourt une nouvelle fois suspendu !

M. le baron de Goussencourt vient d’être suspendu pour deux mois de ses fonctions de maire de Saint-Éman, « pour avoir manqué gravement à ses devoirs », dit l’arrêté préfectoral.

            Ce manquement grave à ses devoirs consiste à avoir assisté le 6 mai à la conférence et au banquet royalistes de Châteaudun.

            Nous sommes loin des véritables mœurs de la liberté, puisqu’un maire n’a plus le droit, dès qu’il a été élu par ses concitoyens, de manifester son opinion politique personnelle.

            C’est la seconde fois que M. de Goussencourt est suspendu, mais les électeurs de St-Éman lui sont toujours restés fidèles, et ses collègues du conseil municipal se sont plu à le remettre à leur tête, à l’expiration de la durée de la suspension. Il en sera encore de même cette fois.

 

N.D.L.R. : Dans l’article paru le jeudi 10 mai 1883, nous apprenons en effet que :

            « La conférence royaliste annoncée à Châteaudun pour le 6 mai à Châteaudun a réuni un nombreux auditoire ; et l’affluence qui se pressait dans la plus grande salle du château, gracieusement mise à disposition du Comité par Mme la duchesse de Luynes, témoigne assez du mécontentement toujours croissant que la République inspire aux populations de nos campagnes, et de l’impatience avec laquelle elles attendent une solution.

            LA SOLUTION ! C’était le titre du discours que M. le vicomte Oscar de Poli est venu prononcer devant plus de mille auditeurs, qui l’ont interrompu à tous moments par leurs applaudissements les plus chaleureux.

            Après ce discours, M. Amédée Lefèvre Pontalis, au nom du Comité d’organisation, adresse à l’orateur un remerciement auquel l’assemblée s’associe tout entière en criant : Vive la France ! Vive le Roi !

            A cinq heures, un banquet, remarquablement servi, réunissait environ 250 convives dans la grande salle de l’hôtel de la Place.

            A la table d’honneur, on pouvait voir … le baron de Goussencourt… A l’issue du repas, M. le vicomte de Poli a tracé un programme politique, appuyé par de nombreuses citations des lettres de M. le comte de Chambord (*), qui ont été écoutées avec un vif intérêt et couvertes d’applaudissements. Il indique en quelques mots la portée du grand acte de cette journée. Pour la première fois, on a osé dire devant nos populations que les intérêts conservateurs ne pouvaient être sauvés que par le rétablissement de la royauté. La journée d’aujourd’hui, c’est la substitution de l’union royaliste à l’union conservatrice ! ».

 

(*) N.D.L.R. : Par son refus du drapeau tricolore, le comte de Chambord, le dernier des Bourbons de France, rendra impossible toute restauration monarchique après Charles X.

 

 N.B. : La teneur de cet article du « Journal de Chartres » est révélateur de son engagement politique à travers les valeurs et les idées exprimées dans sa ligne éditoriale conservatrice.

Septembre 1884

Instituteurs, le jeu de la chaise musicale.

M. Blotin Louis, actuellement instituteur au hameau de Juplou, commune de Frétigny, nommé instituteur public à Saint-Éman, non installé, est nommé aux mêmes fonctions aux Châtelliers-Notre-Dame.

M. Jardin, instituteur public aux Châtelliers-Notre-Dame, est nommé à Saint-Éman.

Décembre 1884

De fil en aiguille !

Mme Jardin, femme de l’instituteur, est nommée directrice des travaux à l’aiguille à l’école mixte de Saint-Éman.

Mars 1885

Vicomte de Goussencourt… Nouvelle révocation, jamais deux sans trois !

M. de Goussencourt vient d’adresser à M. le Préfet la lettre suivante :

Saint-Éman, le 2 mars 1885.

    Monsieur le Préfet,

 

            Je viens vous accuser réception de l’arrêté de Monsieur le président de la République, qui me révoque de mes fonctions de Maire pour n’avoir pas présenté un de mes enfants, âgé de 8 ans, à l’examen de la commission en octobre 1884.

         C’est la troisième fois qu’un fonctionnaire de la République me révoque pour des actes aussi étrangers que celui-ci à l’administration de ma commune.

                Cet arrêté, je l’attendais depuis un mois, car je pensais bien que vous ne manqueriez pas une occasion de manifester la mesquine jalousie de l’administration, humiliée de son impuissance à faire exécuter une loi qui révolte la liberté des pères de famille honnêtes et chrétiens.

             Quoique soustraits à l’instruction laïque et athée, j’espère que mes enfants serviront plus tard la France avec dévouement, et qu’ils resteront fidèles à la devise de mes armes :

 

                                               Potius mori quam foedari (*).

 

            Recevez, Monsieur le Préfet, l’assurance du respect que je vous dois.

 

                                                                                                          Le Vte de Goussencourt,

                                                                                                          Conseiller municipal.

 

(*) Plutôt mourir que d’être déshonoré.

 

N.D.L.R. : A l’époque de cette lettre, le président de la République était Jules Grévy, républicain modéré, et le préfet d’Eure-et-Loir s’appelait Victor Proudhon.

 

N.D.L.R. : Il convient de replacer ce contentieux dans le cadre de son époque et plus particulièrement vis-à-vis de la « loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire et laïc » de Jules Ferry, loi que le vicomte de Goussencourt bafouait ouvertement en refusant d’envoyer notamment son fils Emmanuel à l’école publique de Saint-Éman dirigée par M. Jardin. (École que M. de Goussencourt a toutefois contribué à construire par quelques concessions personnelles au niveau du foncier à bâtir). Le courrier ne fait pas état de la scolarisation de ses filles, Louise, Anne-Marie. Les registres du recensement de la population nous indiquent que le vicomte de Goussencourt s’était assuré le service de plusieurs préceptrices sur la période de 1881 à 1891 pour l’éducation de ses propres enfants. En 1881, Amélie Röck âgée de 22 ans, en 1886, Hélène Rockzer âgée de 22 ans, originaire de Hongrie et, en 1991, Aimée Fouchard âgée de 44 ans, étaient bien déclarées en qualité d’institutrices dans les registres de recensement et domiciliées au château.

Juillet 1885

Banquet du 14 juillet.

Le Journal de Chartres a reçu une lettre d’un habitant de Saint-Éman…

 

                 Monsieur le Directeur,

            Permettez-moi de me servir de votre journal pour donner le compte-rendu de la fête du 14 juillet dans la petite commune de Saint-Éman.

            Sur la demande de M. l’adjoint, faisant fonctions de maire, M. le préfet a daigné accorder 30 francs pour fêter l’anniversaire de la prise de la Bastille ; il ne pouvait pas faire moins à la veille des élections.            Cette petite commune a donc eu son 1er banquet, et malgré tout le zèle déployé par M. l’adjoint pour donner le plus de solennité possible à ce beau jour, ce banquet a

réuni quatre conseillers municipaux, chiffre un peu maigre pour une population de 108 habitants.

            C’est un fiasco complet et peu encourageant pour une autre année.

            Décidément la République est en décroissance.

            Recevez, etc.

                                                                       Un habitant de Saint-Éman.

Août 1885

Vol de lapins.

Le 29 juillet, Mme Toussaint, journalière à la Morinerie, a constaté, en allant soigner les animaux de sa basse-cour, que sept de ses lapins sur neuf avaient disparu. Elle a trouvé dans sa cour et remis à la justice un artichaut (N.D.L.R. : Petite pioche avec manche en bois) et un ciseau à froid (N.D.L.R. : sorte de burin droit avec bout tranchant) qu’on suppose être tombés de la poche des voleurs au cours de leur opération. Espérons que ces objets aideront à faire découvrir les coupables.

Août 1885

Coups de revolver.

M. Maurice Gazaubiel, âgé de 53 ans, journalier, a le fonds mauvais, et lorsqu’il a bu il est plus méchant encore. Mercredi dernier, sous la double influence d’un vif mécontentement et d’une surexcitation alcoolique, il a déchargé sur M. Beaudoux (N.D.L.R. : cafetier à La Taillanderie) six coups de revolver, dont aucun, heureusement, n’a porté. Non content de cela, il a proféré les plus violentes menaces contre M. Carré, adjoint au maire, (N.D.L.R. : M. Carré est également le chef exploitation de la ferme du château aux Pâtis) dont il croyait avoir à se plaindre. M. Champeaux, témoin oriculaire (sic), fit prévenir M. Carré en l’engageant à se tenir sur ses gardes. Grâce à cette précaution, Cazaubiel n’a pu mettre ses projets à exécution, et la gendarmerie, prévenue, s’est assurée de la personne misérable, lequel, nous l’espérons bien, ne sera pas de sitôt à même de donner carrière à ses mauvais instincts.

Décembre 1887

Quand on reparle du dénommé Casaubiel !

En rentrant à son logis après quelques heures d’absence, le 24 novembre, un peu avant midi, le nommé Maurice Casaubiel, menuisier, aux Fauquetteries, fut tout stupéfiait de voir qu’un étranger s’était introduit dans son appartement et lui avait dérobé, outre une somme de 45 francs, un revolver de 13 francs et environ un quart de litre d’eau-de-vie.

Le voleur, qui est inconnu, n’a pas eu besoin de déployer beaucoup d’intelligence pour exécuter ce coup de main, car la porte d’entrée n’offrait aucune résistance et le tiroir où était renfermé l’argent n’était pas fermé à clef.

Avril 1888

Noyade.

Vendredi (12 avril 1888), vers dix heures du matin, le petit garçon des époux Crétois, aux Fauquetteries, Clément, âgé de sept ans, quittait sa mère, sans rien dire, pour aller jouer au dehors. Au bout d’un certain temps, celle-ci, ne le voyant pas reparaître, s’inquiéta de savoir ce qu’il était devenu, et ne le voyant pas aux abords de la maison, elle courut jusqu’à la mare communale, située à quelque distance, où l’enfant avait l’habitude de s’arrêter en revenant de la classe. (N.D.L.R. : il s’agit de la mare située à proximité de la ferme du Petit Bois-Barreau). Quelle ne fut pas la douleur de la pauvre femme quand elle découvrit sur l’eau la casquette et les sabots de son fils et plus loin, à côté d’un buisson, l’enfant lui-même qui ne donnait plus signe de vie.

Aux cris poussés par la malheureuse mère, M. Émile Bouilly s’empressa d’accourir et de repêcher l’innocente victime, que les soins les plus empressés ne purent rappeler à la vie.

Juin 1888

La famille Crétois, à nouveau éprouvée !

Le jeune Eugène Crétois, de Saint-Éman, (N.D.L.R. : qui venait de perdre accidentellement son jeune frère Clément par noyade, voir ci-dessus) étant venu à Illiers mardi matin, rencontra sur le pont Saint-Hilaire le nommé Taupin qui conduisait un cheval à l’abreuvoir. Crétois obtint la permission de monter en croupe, puis, après avoir fait une promenade à deux, il resta seul sur le cheval. Taupin, histoire de s’amuser, excita le cheval qui partit au galop, si bien que le gamin perdit l’équilibre et descendit plus vite qu’il n’était monté. MM. Roglon, charcutier, et Chagot, huissier, qui avaient été témoins de sa chute, le relevèrent, et aidèrent à le transporter chez M. Ménager, aubergiste. M. le docteur Desnot (N.D.L.R. : lire Dr Deniau), appelé auprès de lui, constata que le cheval l’avait blessé à la jambe droite. Le jeune imprudent a été admis d’urgence à l’hospice d’Illiers.

Juillet 1888

Vol de lapins.

Il n’y a décidément pas de morte saison pour les voleurs de lapins. Au cours de la nuit du 10 au 11 juillet, il a été volé six de ces animaux chez M. Harranger, tuilier, et deux chez M. Pierre Carré, cultivateur, demeurant tous deux en cette commune de Saint-Éman. Comme il arrive trop souvent, les recherches de la police sont restées sans résultat.

 

N.D.L.R. : Cinq mois plus tard, les époux Jardin, cultivateurs au Petit Bois-Barreau, constataient qu’un maraudeur avait escaladé les murs de leur cour pour voler 3 lapins estimés 9 francs. La gendarmerie a vainement ouvert une enquête…

Août 1888

Les obsèques de la Mme la vicomtesse de Goussencourt.

          Jeudi dernier 16 ont eu lieu, à Saint-Éman, les obsèques de Mme la vicomtesse de Goussencourt, née de Vernéty, décédée dans sa 39e année, au château de Saint-Éman.

          Nous exprimons tous nos sentiments de condoléances à M. le vicomte de Goussencourt, maire de Saint-Éman, qui, il y a quelques semaines, a eu la douleur de perdre sa fille aînée, âgée de 18 ans.

            Une foule nombreuse accompagnait à sa dernière demeure la dépouille mortelle d’une mère de six enfants.

M. l’abbé Marquis, curé-doyen d’Illiers et chanoine honoraire, officiait, M. l’abbé Hervé a donné l’absoute.

            Les cordons du poêle étaient tenus par Mmes Hermant, la comtesse d’Aymery, Léon Mercier et de Lubriat.

          Reconnu dans l’assistance : Marquis et marquise de Vernéty, M. et Mme Feugère des Forts, docteur Barrois, etc., etc...

N.D.L.R. : Les archives paroissiales de Saint-Éman attestent du fait que M. le vicomte Edgard de Goussencourt  a été particulièrement éprouvé en cette année 1888 : le 19 juin, sa fille Louise, Marie, Amélie décédait à l’âge de 17 ans, et à peine deux mois après, son épouse Marie Gabrielle de Vernety s’éteignait également certainement de chagrin à l’âge de 38 ans.

Mai 1889

Vol des effets du cocher !

             Le 4 de ce mois, en reprenant son service après deux mois d’absence pour cause de maladie, le nommé Désiré Normand, cocher au service de M. de Goussencourt, s’est aperçu qu’on lui avait dérobé tout un assortiment d’effets d’habillement estimés 150 fr.

            Pensant que le nommé Lhémery, qui l’avait remplacé temporairement, était l’auteur de ce vol, M. Normand manifesta à celui-ci le désir de visiter ses malles.

             Lhémery, à cet effet, lui dit de se trouver à Illiers, le soir, chez le commissaire de police ; mais lorsque M. Normand arriva au rendez-vous il apprit que Lhémery était parti avec ses malles. Il avait seulement laissé dans une auberge un des vêtements de M. Normand.

            On espère que la police retrouvera ce malhonnête homme.

1891

Juin 1891

Gare au voleur !

        Pendant la nuit du 3 au 4 de ce mois, la basse-cour de Mme veuve Dupont, à la Morinerie, a été visitée par un maraudeur, jusqu’à présent demeuré inconnu qui a soustrait quelques volailles estimées 8 francs.

Août 1891

Le civet de lapin de Saint-Éman particulièrement apprécié !

        Pendant la nuit du 18 au 19 août courant ; des maraudeurs demeurés inconnus ont fait une expédition en cette commune ; 3 lapins volés chez M. Pierre Carré, cultivateur aux Pâtis, et 7 autres soustraits chez M. Harranger, tuilier, ont récompensé ces voleurs de leur peine. Inutile d’ajouter qu’on n’a pas le moindre soupçon.

Mars 1892

Les poules de Saint-Éman aussi !

        M. Carré, cultivateur à la ferme du château, a reçu la visite d’un maraudeur nocturne ; 7 poules sur 23 lui ont été dérobées. Perte 36 fr. Voleur inconnu.

Février 1893

Et les poulets !

           L’une de ces nuits dernières un maraudeur est entré dans la ferme du château exploitée par M. Alphonse Carré et a fait main basse sur 16 poulets qui avaient été déposés la veille, sous une mue (N.D.L.R. : Une mue est une cage sans fond qui sert d’enclos pour les poules et poussins) dans l’étable.

            On a relevé les empreintes des pas du voleur mais jusqu’ici on ne possède pas d’autres renseignements.

            M. Carré évalue sa perte à 30 francs environ.

Juillet 1894

Crime à la Nicoltière, une des fermes appartenant à M. le vicomte de Goussencourt de Saint-Éman.

Cette ferme est située à la Nicoltière sur la commune d’Illiers, elle appartenait à l’époque, à M. Edgar de Goussencourt demeurant au château de Saint-Éman, elle était exploitée par M. et Mme Sédillot Henri.

Le crime de la Nicoltière

Prochainement...

Un fascicule richement documenté et illustré vous révélera ici tous les détails de cette affaire !

Août 1894

Funeste accident de calèche.

Lundi dernier, le 20 août, un accident de voiture, qui a eu des conséquences irréparables, est arrivé à Illiers dans les circonstances suivantes : Vers trois heures et demie, M. le vicomte de Goussencourt, propriétaire du château de Saint-Éman, accompagné de sa femme, arrivait à Illiers dans un phaéton (N.D.L.R. : Le phaéton est une voiture hippomobile, à caisse ouverte haut perchée, à quatre roues) attelé d’un cheval qu’il n’était pas encore habitué à conduire.

            Tout à coup, en descendant la rue Creuse, le cheval, taquiné par les mouches, prit une allure plus vive, puis s’emballa à fond, malgré les efforts que faisaient pour le maîtriser M. de Goussencourt et son cocher, Auguste Legoux, qui était également dans la voiture.

            Arrivé à un endroit de la côte où le chemin décrit une courbe assez prononcée, la roue gauche du phaéton heurta si violemment la bordure du trottoir, que les trois voyageurs furent projetés sur le sol et la voiture renversée.

            Pendant que le cheval continuait sa course furibonde, les personnes témoins de l’accident, notamment M. et Mme Houvet, se portèrent au secours des victimes.

            M. le vicomte de Goussencourt fut transporté chez les époux Houvet et Mme la vicomtesse de Goussencourt chez M. Foussard. L’un et l’autre se plaignaient de vives douleurs internes, mais ils purent être transportés tous deux au château dans la soirée.

            Malheureusement le cocher était bien plus grièvement blessé.

            Dans sa chute, il s’était brisé le crâne contre le pilier de la porte cochère de Mme Eustache.

            Relevé sans connaissance et transporté à l’hôpital, il expira vers huit heures du soir, malgré les soins empressés qui lui furent prodigués par M. le docteur Deniau. Il n’était âgé que de 38 ans.

            Quant au cheval, cause de ce malheur, il fut arrêté au bas de la côte, sans avoir, par bonheur, occasionné d’autre accident. Il n’avait presque aucun mal, mais la voiture était entièrement détruite.

Février 1895

Le vicomte de Goussencourt et le monument de la guerre de 1870 à Chartres.

Après la laborieuse mise en place du Comité central pour l’érection d’un monument à Chartres à la mémoire des Enfants d’Eure-et-Loir morts pour la patrie pendant la campagne 1870-1871, son initiateur M. le marquis de Maleyssie, ancien commandant du 1er bataillon des mobiles d’Eure-et-Loir avait tenu dans son allocution du 9 février à distinguer plusieurs officiers en ces termes :

« Je remercie MM Jourdain, de Possesse, Marcotte, Piébourg et de Goussencourt qui ont répondu à mon premier appel et peuvent être considérés comme les ouvriers de la première heure ».

Août 1896

Suicide.

Le nommé Charles-Nicolas Méret, âgé de 70 ans, régisseur à la ferme des Pâtis, commune de Saint-Éman, a été retrouvé pendu mardi dernier dans une des granges de la ferme.

De l’enquête faite par la gendarmerie et d’un billet écrit de la main du malheureux désespéré, il résulte que ce sont des embarras d’argent qui l’ont poussé à sa fatale détermination.

Novembre 1896

Saisie de collets.

Depuis une quinzaine de jours, M. Colas, garde des propriétés de M . le comte de Goussencourt, à Saint-Éman, n’a pas relevé moins de vingt collets dans les bois confiés à sa surveillance.

Deux individus de Marchéville, contre lesquels le garde a déjà dû verbaliser, sont soupçonnés d’avoir posé ces collets. Ils ont été vus, ces jours derniers encore, rôdant autour du bois.

Les collets ont été remis aux gendarmes.

N.D.L.R. : L’affaire sera jugée devant le tribunal correctionnel de Chartres lors de l’audience du mercredi 13 janvier 1897. Nous vous reproduisons ci-après le compte-rendu qui en a été fait dans le journal.

audience13jan1897

           Monnier et Cabaret, de Marchéville, sont poursuivis pour braconnage à Saint-Éman, et le garde Colas, au service de M. de Goussencourt, leur a dressé procès-verbal.

            La fille Cabaret, elle, est poursuivie pour s’être introduite au bois, pendant que le loup, c’est-à-dire le garde, n’y était pas et d’avoir cueilli, non pas la fraise, mais des genêts. De plus, le garde dit qu’elle l’aurait menacé de sa faucille ; de son côté, la fille Cabaret soutient que le garde l’a mise en joue ; un peu plus, elle affirmerait que le garde a voulu la fusiller à bout portant.

            La fille Cabaret - malice de femme ! - insinue qu’il fut un temps où le garde était plus indulgent pour elle et l’accompagnait dans ses petites promenades parmi le thym et la bruyère en fleurs.          

            « Vous nous dites là des choses dont nous n’avons point la preuve » dit M. le Président. D’ailleurs, c’est un hors-d’œuvre !...

            La fille Cabaret offre de donner cette preuve dans… 8 jours !

            Le garde dépose que la fille Cabaret l’a menacé de lui couper le cou avec sa faucille et il ajoute : « Je ne me laisserai jamais couper le cou par une femme ».

            Nous comprenons ça. C’est bien assez de se laisser monter !

            Monnier et Cabaret sont condamnés, ce dernier par défaut, à chacun 2 mois de prison ; la fille Cabaret à 8 jours et à 50 francs d’amende.

Décembre 1896

Un cadavre sur le bord du chemin.

Samedi dernier (N.D.L.R. : 5 décembre 1896), vers huit heures du matin, la nommée Augustine Saison, femme Crépeau, cultivatrice, et son voisin, M. Pierre Choquet, journalier, tous deux demeurant au hameau de la Morinerie, commune de Saint-Éman, étaient informés par un ouvrier de passage qu’un cadavre gisait sur le bord du chemin, à environ 500 mètres du village.

            Mme Crépeau et M. Choquet s’y rendirent et trouvèrent en effet le corps d’un homme vêtu d’une blouse bleue, d’un mauvais pantalon, chaussé de souliers et la tête nue. Il était étendu sur le côté droit du chemin, la face contre terre.

            M. de Goussencourt, maire de Saint-Éman, et les gendarmes d’Illiers, prévenus, se rendirent immédiatement sur les lieux. Le corps fut reconnu pour celui d’un nommé Émile-Henri Fezard, âgé de 43 ans, journalier à Nonvilliers-Grandhoux, marié et père de trois enfants.

            M. le docteur Deniau, d’Illiers, appelé pour constater le décès, a déclaré que la mort était le résultat d’une congestion déterminée par le froid et l’alcool.

            L’enquête a établi que Fezard avait quitté son domicile la veille, vers dix heures du matin, conduisant une voiture attelée d’un âne, pour se rendre à Illiers, acheter des pommes. Mais dans cette ville, Fezard s’était grisé et il était reparti le soir pour regagner Nonvilliers, oubliant son âne et sa voiture à l’auberge de Mme Germond.

            En chemin, Fezard a dû s’égarer et saisi par le froid, il a trouvé la mort dans les circonstances que l’on sait.

Mars 1897

Charles-Félix Garola

Conférence agricole du professeur Charles-Victor Garola.

M. Garola, professeur d’agriculture fera une conférence agricole (sujet à traiter : Le Sol et les Engrais, Carte agronomique), à Saint-Éman, le dimanche 4 avril à 2 heures précises, en la salle de la Mairie.

N.D.L.R. : Nous illustrons également cet article de presse de la carte agronomique de Saint-Éman (Archives départementales réf. 100J) réalisée par le professeur Charles-Victor Garola (1855-1923) avec moult informations précieuses sur la nature des sols (argile à silex, argile plastique, sable et tourbes) et recommandations sur les intrants (azote, potasse, calcaire) afin de fertiliser les terres agricoles.

carte agronomique de Saint-Éman (Archives départementales réf. 100J)

Avril 1897

Un braconnier endurci !

           Le 13 janvier dernier, le Tribunal infligeait 2 mois de prison et 50 francs d’amende au nommé Maunier, pour délit de chasse sur les propriétés de M. de Goussencourt, à Saint-Éman.

            Maunier ne se le tint pas pour dit et la dure leçon que lui infligea le Tribunal ne lui profita pas, car, trois jours après, le 16 janvier, le garde de M. de Goussencourt verbalisait contre lui, Maunier ayant chassé en compagnie d’un nommé Aubry.

            Maunier se voit infliger 3 mois de prison et 50 francs d’amende.

Juin 1898

Août 1899

Le feu dans les bois.

          Dimanche dernier, (N.D.L.R. : 20 août 1899), vers midi un quart, le feu s’est déclaré dans le bois de Saint-Éman, situé sur la commune de ce nom, appartenant à M. Jacques des Forts, demeurant au château des Forts, commune de Nonvilliers-Grand’houx.

            Huit hectares environ de taillis, âgés de 9 ans, ont été à peu près détruits et de nombreux pieds d’arbres de haute futaie ont été fortement endommagés.

            Les pertes, non assurées, sont évaluées à 2.800 francs. La cause du sinistre est inconnue.

Août 1899

Un braconnier belliqueux qui ne lâche pas le morceau….

Il y a des gens qui, condamnés par défaut, s’imaginent qu’il y a avantage, toujours, pour eux, à faire opposition. C’est une grosse erreur. (N.D.L.R. : Voir l’audience du Tribunal Correctionnel du 13 janvier 1897 dans l’article : novembre 1896 : saisie de collets).

            Pour faire opposition et pour venir demander l’indulgence du tribunal, il faut avoir des raisons appréciables, des explications acceptables ; sinon l’on s’expose à quelque déconvenue.

            Le nommé Cabaret, qui fait opposition aujourd’hui à un jugement le condamnant, pour faits de chasse, à deux mois de prison et 50 francs d’amende, Cabaret, dis-je, en fait l’expérience.

            Il prétend qu’il n’a nullement chassé ; or, le garde Colas, de Saint-Éman, confirme non seulement sa précédente déposition, mais ajoute, par dessus le marché, que, depuis sa dernière condamnation, Cabaret est revenu dans les bois pendant que lui, Colas, y était, et qu’il l’a pris une fois de plus en train de braconner.

            Le tribunal confirme le jugement dont il a fait opposition, de plus, M. le Procureur est invité à faire, en ce qui concerne le nouveau fait de chasse révélé à l’audience, un supplément d’information.

Encore le feu dans le bois de Saint-Éman, le maréchal-des-logis d’Illiers brûlé !

          Vendredi dernier (NDLR : 25 août 1899), vers onze un quart du soir, le feu s’est déclaré dans les bois de Saint-Éman, appartenant à M. le comte de Goussencourt, maire de Saint-Éman, et à M. Feugères des Forts, demeurant au château des Forts, commune de Nonvilliers-Grandhoux.

            Environ 2 hectares 30 ares de bois taillis, âgés de 9 ans, ont été détruits. Les pertes, évaluées à 530 francs, ne sont pas assurées.

            La cause du sinistre est demeurée inconnue.

            M. le maréchal-des-logis d’Illiers, en combattant l’incendie, est tombé dans une cépée en feu et a été assez grièvement brûlé à la main droite et au bras.

N.D.L.R. : L’article est complété par les remerciements de M. le comte de Goussencourt et M. Feugère des Forts :

Saint-Éman, le 27 août 1899.

Le comte de Goussencourt, propriétaire au château de Saint-Éman, et maire de la dite commune, remercie toutes les personnes qui, par leur zèle et leur activité, ont contribué à circonscrire le feu qui a éclaté dans ses bois dans la nuit du 25 août. […] il a seulement, à son arrivée, constaté que les pompiers d’Illiers, accompagné de leur lieutenant, M. Chagot, étaient déjà sur le lieu du sinistre occupés à empêcher le feu de se propager.

Ensuite sont arrivés les pompiers de Nonvilliers-Grandhoux et ceux des Châtelliers-Notre-Dame, accompagnés d’une bonne partie des habitants des pays voisins. […] Malheureusement le brave maréchal-des-logis d’Illiers qui y était avec trois de ses gendarmes, s’est embarrassé dans une cépée enflammée, et, en tombant dans le feu, s’est brûlé assez fort le bras. M. de Goussencourt envoie aussi tous ses remerciements à ces braves militaires qui sont toujours au premier rang pour porter secours.

          Je suis très reconnaissant envers les nombreuses personnes qui sont venues pour éteindre les incendies qui se sont déclarés sur mes biens la semaine dernière (N.D.L.R.: feux du dimanche 20 août 1899).            Surtout après les fatigues de la moisson, je dois les remercier de leurs efforts qui ont permis de circonscrire rapidement le feu.

         Je remercie spécialement MM. les pompiers d’Illiers, des Châtelliers et d’Happonvilliers, qui, le 20, en l’absence de ceux de Nonvilliers, retenus par le concours de Thiron, sont arrivés si vite.

       Enfin, je serai injuste, si j’oubliais les gendarmes d’Illiers qui, comme toujours, se sont dévoués sans compter.

                                                                                               FEUGÈRE DES FORTS

N.D.L.R. : Il nous a paru intéressant de vous livrer également la narration de cet incendie par le journal Le Messager de Bonneval.

Vendredi 25 août, vers 11 heures et demie du soir, le berger de Mme Truquet, cultivatrice aux Lubineries, commune de Saint-Éman, se trouvait dans son parc ; il venait de se coucher dans sa cabane lorsqu’il aperçut une vive lueur et reconnut bientôt que le feu venait d’éclater dans le bois du Muids. Vivement il courut donner à la ferme et au propriétaire, M. de Goussencourt, au château de Saint-Éman.

La gendarmerie et les pompiers d’Illliers, auprès desquels M. de Goussencourt avait dépêché un express, arrivèrent bientôt sur le lieu du sinistre, aidés de nombreux travailleurs des pays environnants, ils firent la part du feu au moyen de tranchées. A 3 heures du matin tout danger avait disparu.

Malheureusement un accident regrettable s’est produit au cours de cet incendie ; en cherchant à faire son enquête, M. Evain, maréchal-des-logis à la gendarmerie d’Illiers, est tombé dans le feu en buttant contre une souche, et s’est assez grièvement brûlé la main et l’avant-bras gauche. Le blessé a été ramené à sa caserne où il a reçu les soins empressés de M. le docteur Deniau, d’Illiers.

Deux hectares de bois taillis ont été brûlés ; les pertes, non assurées, sont évaluées à environ 600 francs.

Ce sinistre, succédant à quelques jours celui du bois des Forts (distant d’environ 200 mètres du premier) que nous avons signalé dimanche dernier à nos lecteurs ; semble devoir être également attribué à la malveillance. On ignore complètement le ou les auteurs de cet acte inqualifiable.

Mai 1900

Un mariage !

Mardi (N.D.L.R. : 22 mai 1900), a été célébré, en l’église de Saint-Éman, au milieu d’une nombreuse assistance, le mariage de M. le baron Gontran de Huë avec Melle Louise de Goussencourt, fille de M. le comte Edgard de Goussencourt et petite fille de Mme la marquise Vernety.

            M. l’abbé Marquis, curé d’Illiers, après une allocution touchante, a donné la bénédiction nuptiale aux jeunes époux.

            La mariée était ravissante dans une superbe toilette de satin blanc garnie de vraie dentelle.

            Reconnus : Marquis de Vernel, capitaine au 10e chasseurs ; comtesse d’Amphermet, le chevalier Huë, le chevalier d’Allaines, baronne de Bimenger, vicomte de Goussencourt, lieuttenant au 20e chasseurs ; baron Emmanuel de Goussencourt, Mlles de Goussencourt et M. Henri de Goussencourt ; vicomte et vicomtesse de Beaucorps ; vicomtesse de Chaumontel, capitaine de Bagnaux et Mlle de Bagnaux, comtesse de Malherbe, marquis de Malherbe, comte et vicomte de Malherbe, M. et Mme Jacques des Forts, vicomtesse de Brossin de Méré et Melle de Méré, comte et comtesse d’Aymery, Mme Mercier de Beaurouvre, M. et Mme Félix Mercier de Beaurouvre, M. Frédéric Mercier de Beaurouvre, attaché d’ambassade ; marquis Roussy de Sales, M. et Mme James Pellerin, docteur Rondeau et Mme Rondeau.

            Melle la comtesse de Goussencourt a reçu après la cérémonie religieuse.

 

(N.D.L.R. : Notre article est également illustré par une copie de la publication de mariage en date du 6 mai 1900 extraite des registres paroissiaux).

Juin 1900

Un vol audacieux.

     Dans la nuit de samedi à dimanche (N.D.L.R. : du 2 au 3 juin 1900), un audacieux voleur s’est introduit dans la ferme de Mme Truquet, au hameau des Lubineries.

     Il est entré dans l’écurie où étaient couchés deux jeunes charretiers, Bourdelas Symphorien et Leroy Henri. Le lendemain matin, Bourdelas constatait qu’on lui avait dérobé sa montre – en argent et à cylindre - portant le numéro 9.471, une chaîne en nickel, deux pantalons, un porte-monnaie contenant 7 fr.75.

     A Leroy, on avait également volé une montre en argent portant l’adresse de M. Garrier, horloger à Beaumont-les-Autels, deux chaînes de montre, l’une en crins de cheval noirs et blancs, l’autre à maillons de nickel.

De plus, le voleur s’était introduit dans le clapier de Mme Truquet et y avait dérobé trois lapins.

On recherche activement le coupable.

Ainsi se termine la revue de presse du XIXe siècle relatant les faits divers du village de Saint-Éman entre chasse aux braconniers, incendies, morts tragiques, infanticide, révocations du comte de Goussencourt, ….

 

Il y a bien longtemps que l’encre d’imprimerie des journaux feuilletés au fil du temps a séché sur les doigts des lecteurs. Les actualités, en lettres minuscules, de notre modeste village se sont insidieusement glissées parmi celles, capitales, estampillées sous Napoléon III et la IIIe République avec, en écho, des événements majeurs tels que la guerre de Crimée, la guerre de 1870, les Expositions  Universelles, l’école républicaine de Jules Ferry, et l’affaire Dreyfus qui a déchiré la France à l’aube du balbutiant XXe siècle.

 

Rien ne serait possible sans le travail chronophage de numérisation des documents, des registres, de la presse, réalisé par les Archives départementales, que ces travailleurs de l’ombre soient ici remerciés. Ils mettent en lumière une histoire tombée dans l’oubli, dans l’obscurité des oubliettes alzheimeriennes, en la pérennisant désormais dans une mémoire transgénérationnelle à travers les outils des temps modernes.

Nous avons feuilleté plus de 25.000 pages des journaux locaux, le Journal de Chartres et plus accessoirement le Messager de Bonneval, parus au cours du XIXe siècle pour y « excaver » de sombres faits divers et quelques actualités plus légères, au milieu de cette mine d’informations, qui font l’histoire du petit village de Saint-Éman. Histoire que l’on peut dupliquer auprès des bourgs et hameaux voisins, car il en allait ainsi de la besogneuse vie campagnarde du XIXe siècle, entre Beauce et Perche… Des joies, des peines, des peines surtout !

 

C’est seulement à partir de 1852 que nous trouvons les premiers articles évoquant Saint-Éman et ses habitants…

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