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Pierre Silly, l’ancien fromager de Saint-Éman

En traversant le village de Saint-Éman par la rue Guermantes, le passant ne peut pas remarquer la maison datant de la fin du XIXe siècle, sise au n°12, dissimulée derrière un haut mur, et qui fut à partir de 1929, l’habitation de Pierre Silly qu’un journaliste a baptisé, en 1991, dans un article qui lui fut consacré : Pierre Silly, l’ancien fromager de Saint-Éman.

Pierre Silly, dans les années 1980

Courant mai 2023, Martine Courteil a extirpé des archives familiales, l’extrait d’un journal local ainsi que des photos qui nous permettent aujourd’hui de lever le voile sur cet émanois et d’en apprendre un peu plus sur son parcours pittoresque à travers la retranscription intégrale de l’article écrit courant 1991 et de découvrir localement un ancien métier celui de fromager avant l’heure de la pasteurisation quand la collecte du lait dans les fermes se faisait avec la carriole à cheval…

Pierre Silly est décédé en 1993, deux ans après la parution d’un bel article qui lui fut consacré dans la presse locale. Sa fille Raymonde, veuve, qui était venue vivre avec son père à Saint-Éman, est décédée la même année que lui. Une destinée commune entre père et fille à travers des veuvages précoces et l’année de fin de vie pour chacun d’entre eux. Aujourd’hui, les sépultures des familles Silly et Albert se côtoient dans le petit cimetière de Saint-Éman.

Dans les années 1980, certains des nouveaux voisins de Pierre Silly,  appelés aussi « les accourus » par les anciens du village, se souviennent de ce petit grand-père coiffé de sa casquette venant parfois offrir quelques fraises et salades cueillies dans son jardin. Pierre Silly, le fromager, était aussi de longue date le voisin d’Henri Choquet, le briquetier.

 

(NDLR : Pour la petite histoire, il est bon de rappeler que Pierre Silly emménageant à Saint-Éman en 1929  rachetait la même année la patente de marchand forain cédée par le propre père d’Henri Choquet).

Pierre Silly et Henri Choquet furent également voisins au conseil municipal pendant plusieurs mandats. La photo des conseillers municipaux prise en juillet 1983 en témoigne. Et le 7 avril 1989, le conseil, par délibération, décidait de les honorer tous les deux en souvenir et en récompense des années passées au service de la commune à l’occasion de la cérémonie du 8 mai.

L’article de presse ci-contre retranscrit est complété par quelques informations collectées par l’Association Histoire et Patrimoine de Saint-Éman.

Pierre Silly, ancien fromager
de Saint-Éman, se souvient…

Il évoque le début du siècle, le temps des voitures laitières tractées par des chevaux, de la fabrication du fromage avant la pasteurisation.

 

            Né avec le siècle, M. Pierre Silly, habitant le bourg de Saint-Éman porte allégrement ses 91 ans. Ancien fromager, il se souvient de la pratique de la profession au début du siècle, du temps des tournées à cheval et d’avant la pasteurisation.

 

            Pierre Silly fréquenta l’école primaire à Brou puis devint comme beaucoup de jeunes de son époque « aide de culture » dans diverses fermes de la région de Brou, Authon-du-Perche, et en bordure de la Beauce sur Bonneval.

 

            Après ses séjours dans les fermes, il entra le 15 mars 1917 à la Fromagerie Burel, au Petit-Vivier, non loin de Brou sur la route de Nogent-le-Rotrou. Il y resta jusqu’au 15 mars 1920 pour apprendre le métier de fromager.  Sa journée commençait tôt le matin. Vers 6 heures, par tous les temps, il partait avec un cheval tractant une voiture laitière chargée de bidons de 20 à 40 litres et commençait à ramasser le lait dans les fermes des alentours. Il effectuait la tournée de Mottereau, Dampierre-sous-Brou avec une incursion sur Montigny-le-Chartif, tandis qu’un de ses collègues, avec le même matériel, effectuait une tournée sur Unverre et Moulhard.

Une collecte de 2.000 litres de lait par jour

 

            Il se souvient encore du nom de son collègue, M. Douveneau dont le fils est directeur de l’école de Brou. C’est ainsi qu’avec deux voitures, de retour vers midi, ils ramenaient à eux deux environ 2.000 litres de lait frais (chiffre variable suivant les saisons). Le lait était alors réchauffé pour devenir tiède surtout l’hiver. Il était mis en « présure » dans des grands bacs pour qu’il puisse cailler le plus rapidement possible (environ deux heures). La dose de présure administrée était une cuillère à soupe pour 100 litres de lait. Pendant que le lait caillait, tout le monde se rendait à la soupe. Il n’y avait pas à cette époque d’écrémage, de pasteurisation. Tout était le plus naturel possible.

           

            Le caillé était ensuite moulé à la louche dans des cagettes, quatre cuillères pour les grandes. Le fromage prêt à la vente s’appelait le crème fin. Il y avait aussi des camemberts d’un diamètre de 12 centimètres obtenu par le même procédé. Ces « cagettes » étaient mises sur des « clibotis » pour égoutter pendant quelques heures le « sérum » récupéré en dessous. Cela servait à la nourriture des porcs et de quelques poulains qui appréciaient ce breuvage. Cela, paraît-il, faisait de belles bêtes.

Le fromage commercialisé dans les épiceries de la région et à Paris

 

            Le lendemain, les fromages étaient retournés manuellement par les femmes dans les moules. Le surlendemain, ils étaient mis sur des « joncs » et montés ensuite au séchoir au-dessus de la laiterie (genre de grenier très aéré) et mis sur de la paille de blé peignée au préalable, et là ils restaient plusieurs semaines, retournés de temps à autre jusqu’à devenir bleus pour être ensuite commercialisés dans les épiceries de la région, le surplus étant expédié vers les Halles de Paris (cette dernière opération se révélait souvent déficitaire mais il fallait se débarrasser de la marchandise quand elle était bonne).

 

            Avant de monter au séchoir, le fromage à la laiterie encore blanc, était assez ferme pour être frotté des deux côtés avec du sel. Le travail au séchoir était effectué par la patronne et une aide, les hommes se chargeant de l’emballage. Le nettoyage était effectué par les hommes. Le travail du lait nécessitait une grande propreté.

 

(NDLR : Des photos d’archives prouvent que le ramassage de lait en 1943 se faisait encore avec des voitures à cheval pour les plus petites fromageries, dont la Maison Gasselin. Mais la laiterie Hauser fut la première en 1932  à effectuer la collecte du lait par camions dans les régions de Brou et de Fontaine-Simon (La Loupe). Il s’agissait des camions de marque Unic, modèle Z40M, au châssis raccourci car les camions étaient trop lourds et défonçaient les chemins).

Sur le marché d’Illiers

 

​

 

            Pierre Silly est ensuite devenu petit exploitant agricole à Luigny et en même temps aide de culture. En 1929, il est venu habiter à Saint-Éman dans la maison qu’il occupe encore. Avec son épouse, il a exercé dès lors la profession de marchand forain, vendant fromages, beurre, légumes, marchand des 4 saisons et, deux fois par semaine, du poisson, il effectuait chaque jour des tournées en campagne avec son cheval et sa carriole et faisait régulièrement le marché d’Illiers.

 

            Le mercredi était réservé aux approvisionnements à Brou à la laiterie Burel puis chez son successeur M. Gasselin, qui était devenu entre-temps son beau-frère. (NDLR : Léa Gasselin née Jouvelet était la sœur de la femme de Pierre Silly). Il restait ainsi intimement lié à la profession de fromager.

            À son retour du régiment, en 1922, M. Silly se mariait (NDLR : avec Renée Jouvelet née en 1900). Il retournait alors travailler dans les fermes des environs. Il passait trois ans dans une fabrique de clefs à Oisème.

Avec la guerre venue, il a arrêté les tournées et ne vendait plus qu’à « la maison ».  (NDLR : La maison Silly devenait ainsi l’épicerie du village de Saint-Éman ). Il s’était  mis à louer quelques terres pour les exploiter, 11 hectares puis 20. Après la guerre, il a cédé son activité de vente de fromages et produits laitiers à M. Dutour qui habite à Illiers et a cessé toute exploitation agricole en 1965 à l’âge de 65 ans pour prendre sa retraite bien méritée.

Pierre Silly a eu le malheur de perdre son épouse (NDLR : en 1975) et vit actuellement avec sa fille Raymonde, veuve depuis un certain nombre d’année (NDLR : sa fille avait épousé Daniel Albert décédé en 1984). Malgré son âge respectable, M. Silly conserve une vivacité d’esprit et a une mémoire prodigieuse, se souvenant avec précision de toutes les dates de sa vie qui l’ont marqué. Nous lui souhaitons de rester parmi nous encore longtemps et de vivre avec tous ses souvenirs précieux.

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