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Le monument aux morts

de Saint-Éman

Le deuil de la Grande Guerre a amené les communes à rendre hommage à leurs morts pour la défense de la Patrie.

Il convient de se souvenir que la guerre 1914-1918 a mobilisé 8 millions de soldats pour une population de 40 millions d’habitants. Cette guerre a fait 3 millions de blessés, et 1,4 million de soldats y ont trouvé la mort.

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Dans les années 1920-1925, ce sont quelques 35 000 monuments aux morts qui sont érigés malgré le coût et les difficultés de reconstruction du pays pour panser toutes les plaies de la guerre. L’État est intervenu pour accorder des subventions et réglementer leur édification. Les souscriptions publiques avec une forte contribution des anciens combattants et des familles endeuillées couvraient parfois la totalité des dépenses. Quelques rares communes n’ont pas de monument. En Eure-et-Loir, c’est le cas notamment du village de Fessanvilliers-Mattanvilliers (arrondissement de Dreux) avec une autre particularité à signaler pour la commune de Cintray (arrondissement de Chartres) qui a édifié en commun et implanté son monument aux morts sur le territoire de la localité voisine d’Amilly. Dans notre village à Saint-Éman, les travaux du monument sont réceptionnés en avril 1923.

 

En consultant divers documents, on apprend que le choix du lieu d’implantation du monument faisait l’objet de vifs débats au sein des conseils municipaux. En fonction de la couleur politique de la municipalité et de l’opinion de certains conseillers influents, l’endroit pouvait être choisi dans un lieu public, espace de la République, pour que le devoir de mémoire s’impose à la vue de tous et par respect pour la laïcité constitutionnelle. Les municipalités fortement marquées à droite, conservatrices et catholiques, quant à elles, optaient le plus souvent pour l’espace de la religion, c’est à dire un emplacement dans le cimetière, ou près de l’église ou à l’intérieur même de celle-ci. La raison étant que dans cet espace, la municipalité pouvait faire figurer une croix sur l’édifice. Le monument aux morts, selon la loi de 1905, pouvait, en ces lieux et par dérogation, arborer des emblèmes religieux.

 

A Saint-Éman, lors de la réunion du conseil municipal en date du 31 août 1919, sous la présidence du maire, Monsieur Gouabault Ferdinand, directeur de l’école, il a été décidé d’honorer la mémoire et de perpétuer le souvenir de cinq braves soldats qui étaient domiciliés à Saint-Éman au moment de la mobilisation d’août 1914. (Le soldat Huvet Gabriel décédé en 1922 des suites de sa maladie contractée sur le front  sera ajouté à la liste initiale). Le conseil convenait, à la majorité, d’ériger un monument commémoratif dans le cimetière à l’ombre de l’église.

 

Au cours de la réunion du 8 février 1920, la municipalité vote une somme pour organiser un banquet en l’honneur de ses «Poilus» et inscrit au budget la dépense de 500 francs pour l’élévation d’un monument aux morts.

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Le 20 juin 1922, le conseil municipal, toujours sous la présidence de monsieur Gouabault Ferdinand, décide que le monument aux morts soit en final érigé sur la place publique devant l’école et non plus dans le cimetière. Après le vote majoritaire du mois d’août 1919, Monsieur Gouabault, maire et instituteur, n’avait peut-être pas dit son dernier mot. Surnommé hussard noir de la République comme tous les instituteurs de la IIIe république, il n’avait certainement pas, à titre personnel, approuvé et cautionné le choix initial de l’emplacement dans le cimetière auprès de l’église. Nous ne doutons pas que le choix de l’implantation définitive du monument a dû provoquer d’âpres discussions entre les quatre murs de notre petite mairie, à l’image de ce qui a été évoqué précédemment. Après lecture du devis, les travaux sont confiés à M. Cochery, marbrier à Brou. Ceux-ci sont réceptionnés le 26 avril 1923.

C’est le 19 avril 1925 que le monument commémoratif aux morts de la guerre 1914-1918 est inauguré à Saint-Eman par Monsieur Bouvart Paul Sénateur, (mandat de 1922 à 1933), agriculteur à Epeautrolles dont il a été maire. Monsieur Gouabault Ferdinand, le maire de  notre village, décédé quelques mois auparavant, le 29 juin 1924, n’aura pu partager ces moments solennels. Le numéro du journal L’Indépendant d’Eure-et-Loir en date de samedi 18 avril informait ses lecteurs de l’inauguration du monument aux morts à Saint-Eman, le dimanche 19 avril à 14h30.

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"L'Indépendant d'Eure-etLoir", tri-hebdomadaire régional. La "Une" du n°41 du 18 avril 1925 annonçant l'inauguration du monument aux morts de Saint-Éman
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L'inauguration
du 19 avril 1925

Le monument aux morts se dresse devant l’ancienne école du village, rue Guermantes, à côté du parking de la nouvelle mairie. Il comprend une pyramide en roche dure de Chavigny, surmontée d’une croix de guerre, le tout posé sur un massif en maçonnerie. L’emprise au sol est de 1,20 mètre, pour une hauteur totale de 2,60 mètres. A l’origine, le monument avait un entourage en fer forgé de trois mètres de côté sur trois faces avec une grille basse à deux vantaux.


Aujourd’hui, le monument aux morts se fond dans le décor, il se fait discret au risque de se faire oublier à tout jamais. Les inscriptions gravées, au fil du temps, s’effacent. La mémoire de ce sacrifice consenti pour sauver notre Patrie trouvera toujours une place dans les livres d’histoire, palliatifs de l’amnésie qui nous guette tous. La pierre blanche, à travers les saisons, se couvre de mousses et de lichens. Aux journées officielles de commémoration du 11 novembre, sous les drapeaux tricolores, les rangs des villageois reconnaissants s’éclaircissent, beaucoup ont déserté. La minute de silence pourrait ne jamais cesser. Il convient, en toute occasion, de faire plus ample connaissance avec ceux qui ont fait le sacrifice suprême, celui de leur vie, pour notre liberté, pour la paix, endeuillant douloureusement leur famille. Des leçons apprises, nos soldats n’ont retenu que le mot Devoir, ignorant leur Droit à exister pour eux-mêmes.

Le sommet du monument aux morts de Saint-Éman

Les morts revivent à travers ceux qui les évoquent. En lisant leurs noms à voix haute, Boutfol Charles, Denis Célestin, Melin Eugène,… résonne à nos oreilles une euphonie un rien surannée et comme l’écrit si justement Geneviève Brisac dans un de ses romans: « Quand on lit les listes des noms des monuments aux morts, les noms comme des visages disent leur âge, leur temps… il est étrange de noter comme les noms évoluent et ressemblent aux époques. Combien de patronymes ont disparu... ».

 

À travers les lignes qui suivent nous allons éclairer les traits des visages de nos valeureux soldats pour soulever délicatement le voile sur leur existence, en apprendre un peu plus sur leur mobilisation, leur fin tragique et rabattre le coin relevé de leur linceul avec respect et reconnaissance. Ils nous deviendront ainsi plus familiers en voisins d’une autre époque qu’ils étaient habitant le bourg et les fermes environnantes de notre petit village de Saint-Éman.

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BOUTFOL, Charles Julien Juste

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Né le 11 mars 1885 à Epeautrolles (Eure-et-Loir).

Matricule n° 09107-163 au bureau de recrutement de Chartres. Classe 1905.
Soldat de 2e classe dans le 302e Régiment d’Infanterie.

Il a été parmi les premiers tués à l’ennemi le 24 août 1914, une vingtaine de jours seulement après la mobilisation générale, à l’âge de 29 ans, lors de l’attaque allemande de Gouraincourt dans la Meuse.

Charles Boutfol s’était marié le 8 juin 1912 à Bailleau-le-Pin avec Isabelle Marie Eugénie Singlas.

Charles Boutfol a été incorporé dans le 302e Régiment d’infanterie composé essentiellement de beaucerons, de percherons et de parisiens. Ce régiment s’est formé à Chartres le 2 août 1914 sous le commandement du Lieutenant-Colonel Desthieux, il était rattaché à la 107e Brigade, et comptait un effectif de 38 officiers et 2090 hommes. Le régiment embarqua dans deux trains et quitta Chartres le 9 août pour rejoindre le point de rassemblement des troupes à Consenvoye dans la Meuse. Pendant la première quinzaine du mois d’août, Charles Boutfol et ses compagnons d’armes vont participer à l’organisation défensive de diverses positions situées au nord de Verdun, à Ornes plus précisément sur la position appelée des «Deux Jumelles».

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Au 24 août, Charles Boutfol, avec son régiment, exécutent de nouveaux travaux défensifs au niveau du petit village de Gouraincourt. À cette date, les allemands poursuivent leur offensive et se heurtent au 302e Régiment d’infanterie. Dès 8 h 30, en ce matin du 24 août, Charles Boutfol et son bataillon essuient un violent bombardement d’artillerie lourde où se mêlent des projectiles de shrapnel (obus emplis de billes de fer ou de plomb) et des obus incendiaires. (Pour mémoire, les tirs de shrapnel sont à l’origine des horribles blessures maxillo-faciales causées aux soldats à qui on donnera le nom de «gueules cassées»). Les villages et hameaux alentours sont la proie des flammes. Vers 15h, les tirailleurs français lancent une contre-offensive et débouchent du Bois-Martin pour se mettre à l'abri du remblai de la voie ferrée, ainsi que dans les replis du terrain. À 17 heures, les Allemands tentent une percée et franchissent la voie ferrée. A 18 heures, le 302e  R.I. engage une contre-attaque à découvert entraînant des pertes importantes dans ses rangs. Dans ce combat du 24 août 1914, le 302e R.I. perd 2 officiers et 27 hommes dont le soldat de 2e classe, Charles Boutfol. Au cours de cet affrontement 124 hommes seront également blessés et évacués. Il y aura aussi 12 soldats déclarés disparus.

Charles Boutfol, soldat tué au combat, était, il faut le rappeler, né à Epeautrolles. Cette municipalité avait tenu à honorer l’enfant du pays en gravant son nom sur son propre monument aux morts.

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DENIS, Célestin

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Né le 6 avril 1895 à Trizay-lès-Bonneval (Eure-et-Loir).

Habitait à Saint-Eman et exerçait le métier de cultivateur.

Fils d’Adolphe et de Louise née Clément.

Sa fiche de conscription indique : cheveux blond foncé,  yeux marron,  menton à fossette, taille: 1m69.

Matricule n° 19199-209 au bureau de recrutement de Chartres. Classe 1915.
Soldat de 2e classe affecté au 1er Régiment de Zouaves le 7 mai 1915.

Il a été blessé le 1er octobre 1915 à Beauséjour (Marne), lors de la grande offensive de Champagne pour la reprise à l’ennemi de la position dite du « Fortin de Beauséjour ». Sa fiche médicale précise qu’il a eu une fracture compliquée du fémur droit avec une large plaie. Le lendemain, il est évacué sur l’hôpital auxiliaire n° 101 de Toulouse aménagé dans les locaux de l’École Normale des Instituteurs, où il décédera le 15 février 1916 dans sa vingtième année d’une septicémie consécutive à une blessure de guerre.

Le nom de DENIS Célestin a également été gravé, pour y être honoré, sur le monument aux morts de Trizay-lès-Bonneval, son village de naissance.

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GENTY, Henri

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Né le 29 octobre 1879 à Verdes (Loir-et-Cher).

Matricule n° 013045-720 au bureau de recrutement de Chartres. Classe 1899.

Caporal au 102e Régiment d’Infanterie.

Il a été tué à l’ennemi le 25 septembre 1915 sur le front d’Auberive-sur-Suippes dans la Marne, à l’âge de 35 ans. Il a perdu la vie lors des combats dits de : « la seconde campagne de Champagne » qui se sont déroulés du 25 septembre au 9 octobre 1915.

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À partir du 20 septembre 1915, le 102e R.I. prenait position sur la rive gauche de la Suippe en face d’Auberive village occupé par les Allemands où l’on apercevait les ruines du clocher de l’église détruit par les tirs de l’artillerie lourde. Les soldats du régiment, dont le caporal Genty Henri, préparaient le terrain et creusaient des abris pour prendre part à l’attaque générale qui était annoncée pour le 25 septembre. Le régiment était stationné entre Auberive et la voie romaine, à gauche et en arrière du 315e R.I. Sa mission était de prendre à l’ennemi le fortin de Vaudesincourt qui surplombait le secteur et permettre ainsi au 315e R.I. d’attaquer et de reprendre à l’ennemi le village d’Auberive. L’attaque a été lancée à 9h30, les régiments en présence partis vaillamment à l’assaut sont arrêtés par une défense ennemie importante qui semblait infranchissable. Deux compagnies de l’armée française arrivèrent en renfort pour une deuxième vague d’attaques.

De nombreux soldats se firent tuer dans ces offensives successives, il devenait évident que la percée de la ligne ennemie était vouée à l’échec. Les opérations suivantes de contournement du front décidées par l’état-major furent également brisées sous les tirs nourris des Allemands. Au cours de cette offensive, le commandant du 102e Régiment d’infanterie, le colonel Blin, au côté de ses hommes, fut blessé. Le caporal Genty Henri, quant à lui, y perdra la vie.  Au cours de cette attaque du 25 septembre 1915 sur le front d’Auberive-sur-Suippes, les pertes pour le 102e Régiment d’Infanterie furent importantes : 651 soldats ont été tués ou blessés.

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HUVET, Gabriel, Aimé, Timothée

Né le 25 mars 1896 aux Perruches, commune d’Illiers (Eure-et-Loir).

Matricule n° 139 au bureau de recrutement de Chartres. Classe 1916.
Soldat de 2e classe  au 130e Régiment d’Infanterie.

Sur sa fiche du conseil de révision du canton d’Illiers de 1915, on peut lire qu’Huvet Gabriel mesure 1 mètre 64, qu’il a les cheveux châtain noir, les yeux marron clair, un front moyen et un nez rectiligne.

Il est décédé à Saint-Éman le 27 mars 1922 des suites de sa maladie contractée sur le front, à l’âge de 26 ans. Il exerçait la profession de journalier.

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Dans notre quête d’informations sur l’identité et l’histoire de quelques émanois, nous rencontrons parfois des difficultés. Ce fut le cas pour Huvet Gabriel, le soldat de la guerre 14-18 honoré sur notre monument aux morts. Dans les archives consultées, il n’est pas rare qu’un greffier de l’état civil commette une erreur de retranscription, Huvet, par exemple, devenant Houvet… Il convient après de nombreuses recherches et de recoupement de lever toute confusion et ambiguïté.

Le parcours du soldat Huvet, pendant toute sa mobilisation, a connu de nombreuses affectations et mutations de régiments de par sa maladie et ses graves difficultés respiratoires. Entre le 8 avril 1915 et le 15 juillet 1918, il a été notamment rattaché au 310e RI le 14 juin 1916, puis au 115e RI et au 166e RI à partir du 16 octobre 1916. L’état de santé de Gabriel Huvet empirant, il est placé le 10 avril 1918 dans la réserve, stationnée à l’arrière du front. Le confinement et la promiscuité des soldats dans les tranchées favorisaient la contagion, les soldats les plus gravement malades étaient évacués et isolés à l’arrière. Comme l’écrivait le Dr Péhu : « nombreux sont les traumatismes de guerre susceptibles d’exercer une action sur l’ensemble de l’appareil respiratoire. Dès le début, ce furent les projectiles créant des blessures pleuropulmonaires. Un peu plus tard apparurent les contusions thoraciques par coulées de terre des tranchées, éclatement d’obus, explosion de mines; enfin, dès mars 1915, l’emploi des gaz asphyxiants ou toxiques (dont le fameux gaz moutarde ou Ypérite) provoquèrent de nombreuses bronchites, broncho-pneumonies, et tous les processus inflammatoires ou congestifs des voies aériennes dont beaucoup revêtirent une allure chronique susceptible de créer le berceau du bacille de Koch, l’agent pathogène de la tuberculose pulmonaire...».

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En préparation de la seconde bataille de la Marne (Friedensturm en allemand), qui se déroulera du 15 au 20 juillet 1918, décisive pour la suite de la Guerre, les soldats de réserve sont rappelés pour soutenir la vague de contre-offensives prévues par l’état-major français. Le soldat Huvet Gabriel rejoint le 166e R.I. stationné sur le secteur de la ligne de crêtes des sept monts du côté de Moronvilliers. Ne cherchez plus ce village sur la carte, il a été entièrement vidé de ses habitants au début de la guerre, et toutes les maisons ont été détruites et rasées. Le village ne renaîtra pas dans ce champ de morts. Les terres bombardées et abandonnées ont été ensuite rattachées à la commune voisine de Pontfaverger. Les Allemands dans le massif de Moronvilliers avaient trouvé sur les hauteurs des monts avoisinants de véritables observatoires stratégiques. Aux premières heures des combats, le 15 juillet 1918, le soldat Huvet Gabriel a été déclaré disparu lors de l’offensive de Moronvilliers.

On apprendra plus tard, qu’il a en réalité été fait prisonnier. Quelques jours avant l’armistice, un avis officiel de l’armée française du 7 novembre 1918 confirmera son statut de prisonnier de guerre. Il a été en captivité jusqu’au 20 novembre 1918, date à laquelle il fut rapatrié, gravement malade. Huvet Gabriel, le 27 mai 1920, est réformé par la Commission militaire de Chartres avec l’attribution d’une pension proposée à 100% du barème, et confirmée le 22 décembre 1921 par la commission spéciale d’Orléans. La décision est accompagnée du certificat médical suivant :

Le soldat de 2e classe Huvet Gabriel Aimé Timothée est réformé définitivement pour :

-1° Tuberculose pulmonaire en évolution active. Bacilles nombreux dans les crachats, expectoration purulente. Lésions de ramollissement aux deux sommets.

-2° Laryngite bacillaire à forme végétative. Dysphagie et troubles vocaux très accentués.  Fièvre continue. Diarrhées fréquentes.

État général médiocre.

 

Plus de trois ans après son retour de captivité, Huvet Gabriel décédera le 27 mars 1922 à Saint-Éman, des suites de sa maladie après une longue agonie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il repose aujourd’hui dans le petit cimetière de Saint-Éman. La croix de fer forgé sur sa pierre tombale est ornée des symboles guerriers et patriotiques du casque de poilu avec les deux baïonnettes croisées entourées de branches de laurier et de chêne. Sa plaque mortuaire porte la mention « Mort pour la France ». Huvet Gabriel est inhumé avec sa sœur décédée le 15 février 1889 à l’âge de trois mois.

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MELIN, Eugène Emile

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Né le 05 avril 1885 à La Bazoche-Gouet (Eure-et-Loir).

Il s’était marié le 26 novembre 1910 à Nonvilliers-Grand-Houx avec Aline Laurence Lucie Petit.

Matricule n° 01078-218 au bureau de recrutement de Dreux. Classe 1905.
1ére Classe au 301e Régiment d’Infanterie.

Il a été tué à l’ennemi le 24 avril 1915 à Saint-Rémy-la-Calonne (Meuse) à la tranchée de Calonne, à l’âge de 30 ans.

La fameuse et funeste tranchée de Calonne qui fut fatale au soldat Meulin Eugène, avec 58 autres compagnons de son régiment, est en réalité une route forestière de 25 kilomètres ne traversant aucun village et qui relie Verdun à Hattonchâtel. Cet axe construit en 1786 qui longe les hauts de Meuse est une artère stratégique que les deux armées ne cesseront de se disputer, les Allemands cherchant à s’accaparer cette liaison directe vers Verdun.

Sur la tranchée de Calonne, le jour même de la mort du soldat Melin Eugène et au cours de la même offensive, Maurice Genevoix, l’écrivain et poète, qui, lui, était enrôlé dans le 106e RI (*), écrivait de son côté : « … que d’une guitoune délabrée il entendait une voix d’un sous-officier français dire à la radio de campagne que les pièces d’artillerie étaient perdues, que le régiment avait été surpris par l’infanterie allemande, qu’il avait fallu se battre au mousqueton. Le capitaine avait une balle dans la tête… ».

(*) Cf. "Ceux de 14" de Maurice Genevoix, ainsi que le site SHD du Ministère des Armées

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Le lendemain, le 25 avril, le lieutenant Maurice Genevoix sera grièvement blessé à 10 kilomètres de là lors des combats de la colline des Éparges. Le 11 novembre 2020, à l’occasion du centenaire de l’inhumation du soldat inconnu sous l’Arc-de-Triomphe, Maurice Genevoix a fait son entrée au Panthéon, et à travers lui, s’est ouvert les portes de l’immortalité pour tous les soldats morts pendant la guerre 14-18.

Sur le même secteur, sept mois auparavant, le 22 septembre 1914, le lieutenant Alain Fournier, l’écrivain à qui l’on doit Le Grand Meaulnes, fut tué, à l’âge de 27 ans. Il a perdu la vie lors d’une offensive sur la tranchée de Calonne, à Saint-Rémy-la-Calonne, croisant, en ces lieux, la modeste et humble destinée de notre poilu émanois mêlant ainsi leur sang à la terre boueuse des champs de bataille de la Meuse bien loin de la Sologne pour l’un et du Perche pour l’autre. Le corps d’Alain Fournier a seulement été retrouvé et identifié en mai 1991 dans les bois près de Saint-Rémy. Il avait été enterré avec vingt de ses compagnons d’armes dans une fosse commune creusée par l’armée allemande sur les lieux du combat.

 

En décembre 1918, le colonel Converset, commandant le 301e Régiment d’Infanterie dédiait un poème qu’il a écrit pour honorer ses vaillants soldats, un hommage que l’on relit aujourd’hui avec une pensée particulière pour Meulin Eugène, au nom gravé sur le monument aux morts de Saint-Éman, nous vous en livrons ci-après quelques extraits choisis, dans une nouvelle prose que nous espérons respectueuse à l’égard de l’auteur :

 

« En arrivant de Dreux aux côtes de Lorraine,

  Beaucoup étaient tombés dans les premiers assauts,...

Nous avions muselé le lion de Bavière,

Mais Eure-et-Loir avait payé cher cet effort…

Il fallait aussi harceler l’ennemi,

Le pousser au Bois-Haut, à Combre, à Saint-Rémy,

Lui prendre un point d’appui, gagner une lisière…

L’Allemand, en secret, préparait sa revanche

Et, lorsqu’elle fut prête, il lança l’avalanche

Sur le secteur voisin, rompu par le canon

Eure-et-Loir combattit pour l’honneur de son nom,

Et peut-être sauva Verdun d’une surprise

En arrêtant pendant deux jours la meute grise

Autour du point d’appui que nous devions tenir…

Mais à tous ceux qui n’ont pas revu leur demeure

Sur l’Huisne ou sur le Loir, sur la Biaise ou sur l’Eure,

J’apporte le salut du régiment de Dreux,

Le salut de leurs chefs, le salut de leurs frères,

Dont le souvenir va vers les figures chères

De ces compagnons valeureux ».

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PAGGI, Marcel

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Né le 06 décembre 1889 à Paris 10e.

Matricule n° 074916-1187 au bureau de recrutement du Mans (Sarthe). Classe 1909.
Soldat de 2e Classe au 74e Régiment d’Infanterie.

Il est décédé le 15 février 1916 des suites de ses blessures de guerre à Harbonnières Canton de Rosières-en-Santerre (Somme) à l’âge de 26 ans.

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Jusqu’en mars 1918, le secteur d’Harbonnières/Rosières-en-Santerre dans la Somme se situait à l’arrière immédiat du front. La voie ferrée assurait le transport du matériel et des pièces d’artillerie lourde. Les blessés y étaient rapatriés, et les troupes de réserve y étaient stationnées en préparation de nouvelles offensives. Le soldat Paggi Marcel, blessé avait été dirigé sur Harbonnières où il décédera. Harbonnières était situé à 8 kilomètres de Lihons où était stationné le régiment du soldat Paggi Marcel. Le 74e RI occupait ce secteur de Lihons-Merleville où il restera deux mois. Un nouvel hiver de campagne qui était pour tous une épreuve d’endurance et de misère supportée par nos poilus. Nos diverses recherches dans les archives du 74e RI confirment que le soldat Paggi Marcel aurait été blessé sur le secteur de Frise où l’ennemi faisait une répétition générale et testait la résistance des lignes françaises avant sa prochaine offensive sur Verdun que le commandement allemand déclenchera trois jours plus tard...

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La guerre de 1914-1918 : les "oubliés" de Saint-Éman

oubliés

À Saint-Éman, un constat peut être fait et celui-ci peut en choquer certains, à juste titre d’ailleurs : les enfants du village, morts pendant la guerre 14-18 ne figurent pas sur le monument. Les raisons de ces choix, décision et arbitrage de l’après-guerre nous sont inconnues et demeurent inexpliquées. À travers le chapitre consacré à cette page d’histoire, il nous appartient aujourd’hui de citer chacun de ces soldats pour leur rendre hommage à défaut de voir aujourd’hui leurs noms gravés sur la pierre de notre monument aux morts :

ALLOITEAU, Désiré Auguste Aurélien

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Né le 20 octobre 1896 à la Taillanderie à Saint-Éman.

Fils de Louis, et de Bourdelas Sulpicie.

Il habitait à Saint-Éman et exerçait le métier de berger.

Sur sa fiche du conseil de révision, on peut y lire : cheveux châtain moyen, yeux marron foncé, front moyen, nez rectiligne, taille 1m62.

Matricule n° 97 au bureau de recrutement de Chartres (Eure-et-Loir). Classe 1916.

Il a été incorporé le 8 avril 1915.
Soldat de 2e Classe au 131e Régiment d’Infanterie.

Il a été tué à l’âge de 19 ans le 10 mai 1916 dans la forêt d’Argonne (Meuse).

Il a d’abord été inhumé au cimetière militaire provisoire du Ravin des Chênes, son corps a ensuite été transféré, le 13 mars 1924, au cimetière militaire de la Forestière, à Lachalade (Meuse).

Son nom figure aujourd'hui sur le monument aux morts d'Illiers-Combray, place de la Gare

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AULARD, Denis Julien

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Né le 9 octobre 1883 aux Petites Vallées à Saint-Éman.

Fils de Damien, et de Huard Joséphine.

Il exerçait le métier d’ouvrier de culture. Il a d’abord habité Illiers avant de rejoindre à partir du 22 octobre 1910, la Guignotière aux Autels-Villevillon (Eure-et-Loir).

Sur sa fiche du conseil de révision, on peut lire y lire : Cheveux châtain clair, yeux gris bleu, nez moyen, menton à fossette, taille 1m66.

Matricule n° 439 au bureau de recrutement de Chartres (Eure-et-Loir). Classe 1903.

Il a été mobilisé le 10 août 1914.

Soldat de 2e classe au 102e Régiment d’Infanterie, régiment constitué à Chartres.

Le 4 octobre 1914, il a été déclaré disparu à Saint-Mard-les-Triots (Somme) dans sa 31ème année au cours de la bataille de Roye. Par jugement du tribunal de Nogent-le-Rotrou le 30 avril 1920, son corps n’ayant pas été retrouvé, ni identifié, Aulard Denis est déclaré mort pour la France.

Un extrait des archives du 102e R.I., que nous vous proposons dans une forme allégée, relate les combats de la journée du 4 octobre 1914 au cours desquels Aulard Denis a été déclaré disparu, son corps n’ayant pu être identifié, reposant aujourd’hui dans un ossuaire de soldats inconnus :

 

"Le régiment se tient désormais sur la défensive ; il s’oppose avec ténacité sur son front à la puissante contre-offensive de l’adversaire. Cependant, malgré toute l’énergie déployée, mal soutenu par une artillerie qui devient de plus en plus pauvre en munitions, il est obligé, sous un fort bombardement, de se retirer sur une ligne de soutien (Saint-Aurin, au Chemin, Armancourt, Saint-Mard-les-Triots) après avoir tenu pendant sept jours contre les efforts réitérés et puissants de l’ennemi. Des combats partiels se succèdent. Le régiment contient l’ennemi et attaque le 4 octobre devant Saint-Mard-les-Triots. Cette attaque s’exécute en deux colonnes ; la marche d’approche s’exécute sous le feu de l’artillerie lourde. Le bataillon progresse, soumis à un feu intense de grosse artillerie ; les compagnies avancent très difficilement jusqu’au petit bois carré (1 km est de Saint-Aurin). A ce moment, à 17 heures, l’artillerie de campagne allemande ouvre le feu contre elles à courte distance appuyée par des tirs de mitrailleuses ; une escouade de pointe qui veut continuer à progresser est anéantie en un instant ; suite à ce revers, les compagnies du 102e R.I. restent en place jusqu’à la fin de l’action et comptent leurs morts, évacuent les blessés. Puis les 7e et 8e compagnies s’avancent sur le plateau, elles parviennent à dépasser sous un feu violent d’artillerie les tranchées occupées par le 238e R.I., mais là, elles sont dans l’obligation de s’arrêter momentanément, puis grâce au sang-froid et à la présence d’esprit du sous-lieutenant Thelies et de l’adjudant-chef Arnoult, elles se reportent de nouveau en avant et arrivent au nord du bois Carré (500 mètres est de Saint-Aurin), à proximité des tranchées allemandes de la cote 86 ; les pertes sont considérables, toute progression devient impossible. Le régiment se maintient sur ses positions. Le front se stabilise durablement. A partir de ce mois d’octobre 1914, en ce secteur, une autre guerre commence, la guerre des tranchées."

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HARRANGER, Joseph Marc Alexandre

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Né le 27 août 1895 dans le bourg de Saint-Éman.

Fils de Gabriel, et de Beaudoux Juliette.

Il exerçait le métier de tuilier et habitait à Illiers.

Sur sa fiche d’enrôlement, on peut y lire : cheveux châtain clair, yeux bleu foncé, front moyen et nez rectiligne, taille 1m66.

Matricule n° 7578-223 au bureau de recrutement de Chartres (Eure-et-Loir). Classe 1915.

Il a été incorporé le 15 décembre 1914 à la 37e Cie du 131e Régiment d’Infanterie où il fut nommé caporal le 11 avril 1916.

Il a été tué à l’âge de 20 ans lors des offensives du 12 juin 1916 dans la forêt d’Argonne (Meuse) tout comme son camarade et voisin de Saint-Éman, Alloiteau Désiré, un mois plus tôt. Ils sont aujourd’hui enterrés, côte à côte, dans le même cimetière, le cimetière militaire de la Forestière à Lachalade (Meuse), la tombe de Joseph Harranger porte le n° 1146, celle de Désiré Alloiteau le n°1106.

Son nom figure aujourd'hui sur le monument aux morts d'Illiers-Combray, place de la Gare

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HUBERT, Emile Louis

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Né le 22 juin 1882 aux Roselles, Saint-Éman.

Fils d’Eugène et de Delaporte Marie.

Il exerçait le métier de jardinier et habitait Vieuvicq.

Lors du conseil de révision de sa classe 1902, il est dispensé d’armée car il est le fils aîné d’une famille de onze enfants.

Sa fiche d’incorporation indique qu’il a les cheveux châtains, les yeux gris, le visage ovale et mesure 1m62.

Au moment de la mobilisation générale, il sera appelé à rejoindre à la date du 4 août 1914 le 102e R.I.

Matricule n° 482 au bureau de recrutement de Chartres (Eure-et-Loir). Classe 1902.

Soldat de 2e classe au 102e Régiment d’Infanterie.

Blessé à la tête par un éclat d’obus, il sera évacué sur l’hôpital de la caserne d’Aboville, quartier du 26e d’artillerie, à Chartres, qui compte 210 lits pour les blessés de guerre. Compte-tenu des séquelles de ses blessures, Hubert Louis est proposé à la réforme avec pension. Il est envoyé en convalescence pour trois mois à Andresy (Yvelines, ex. Seine-et-Oise) où il se suicidera par pendaison le 25 avril 1915, à l’âge de 32 ans. 

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LECOMTE, Francis Charles Auguste

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Né le 6 décembre 1898 aux Pâtis à Saint-Éman.

Il habitait Santeuil (Yvelines) et exerçait la profession de jardinier.

Fils de Charles et de Jumentier Désirée.

La fiche du conseil de révision indique qu’il avait des cheveux et sourcils noirs, des yeux marron clair, un visage long avec un menton à fossette. Taille 1m62.

Matricule n° 11116-4671 au bureau de recrutement de Versailles (Yvelines). Classe 1918.

Soldat de 2e classe au 13e Régiment d’Infanterie.

Il est incorporé le 1er mai 1917. Il est d’abord affecté au 4e R.I. coloniale, avant de rejoindre le 13e R.I.

Il a été tué à l’ennemi le 29 septembre 1918, à l’âge de 19 ans, à Urvillers (Aisne), au sud de Saint-Quentin, lors d’une offensive contre les Allemands les repoussant de Saint-Simon jusqu’à la ferme Lambay à Urvillers. Les archives du Régiment nous précisent qu’à cette date, les patrouilles françaises progressaient par infiltration des lignes adverses réussissant à enlever Benay et le bois de Lambay. Le soldat Lecomte Francis est tombé lors d’une de ces offensives sous les tirs de mitrailleuses et par des tirs d’artillerie à obus toxiques, l’ennemi ne voulant pas se résoudre à céder du terrain.

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TOUSSAINT, Désiré Louis Vital

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Né le 27 avril 1876 aux Fauquetteries à Saint-Éman.

Il habitait Illiers (Eure-et-Loir) et exerçait le métier de meunier.

Fils de Louis, décédé, et de Paragot Joséphine.

Sur la fiche du conseil de révision, on apprend qu’il avait les cheveux châtains, les yeux gris, le visage ovale et qu’il mesurait 1m67.

En 1898, il sera dispensé de service militaire au motif qu’il est l’aîné d’une veuve.  Avec la mobilisation générale, il sera appelé à rejoindre dès le 2 août 1914 le 30e R.I.T. qui se forme à Chartres.

Matricule n° 17008-642 au bureau de recrutement de Chartres (Eure-et-Loir). Classe 1896.

Soldat de 2e classe au 30e Régiment d’Infanterie Territoriale.

Le 15 juillet 1918, malade, Toussaint Denis a été évacué par ambulance sur l’hôpital de Villers-Cotterêts (Aisne). C’est sur ce secteur que le 30e R.I.T. a été positionné sous les ordres du Général commandant la 172e Brigade. Là, le régiment était affecté à l’exécution de divers travaux et à la garde des prisonniers Allemands jusqu’à l’approche de l’armistice. Toussaint Denis meurt, le 15 novembre 1918, à l’âge de 42 ans, des suites de sa maladie contractée sur le front.

Son nom figure aujourd'hui sur le monument aux morts d'Illiers-Combray, place de la Gare

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"Hors-cadre"...
...d'une pandémie à une autre

De la Première guerre mondiale à 2020, de la grille espagnole à la Covid19...

Un "hors-cadre" par rapport au monument aux morts de Saint-Éman, mais qui n'est pas sans attiser une certaine curiosité...

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