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Les sanctuaires dédiés à saint Éman

Avant de nous focaliser sur notre église de la fin du XIe siècle dédiée à saint Éman sur les lieux de son martyre au sein de notre petit village, intéressons nous aussi aux autres  lieux honorant sa pieuse mémoire tout au long des siècles écoulés.

L’ermitage et la chapelle Saint-Éman à Chartres 

Pour nos voisins chartrains, saint Éman, évoque avant tout la chapelle du même nom, dans la ruelle éponyme pentue en contre-bas de la cathédrale. De nos jours, dans cette rue, l’évêché de Chartres y a son adresse au n°1 plus précisément. À l’emplacement de l’actuelle chapelle s’érigeait autrefois, au VIe siècle, un ermitage fondé par Emanus venu de Cappadoce, en Asie mineure. L’endroit était situé en limite des profonds fossés défensifs protégeant la cité carnute d’Autricum. A la fin du haut Moyen-Âge, l’emplacement du tertre était localisé en limite de l’imposante muraille et de la porte Evière comme attesté en 836. L’ermitage était bien à l’image de la vie d’anachorète recherchée initialement par saint Eman, notre moine, qui, en Italie, avait mené, dans la solitude, une vie d’ascèse et de contemplation de reliques  notamment celles de saint Nazaire à Milan.

Sa mission divine reçue à Autun d’évangéliser le pays chartrain allait le sortir à jamais de sa solitude faite de prières pour multiplier les conversions à travers toute la région. Sur ces antiques fondations, une chapelle fut fondée au IXe siècle, en hommage à cet ermite à qui on attribuait plusieurs miracles à Autun. Ce prieuré fut ensuite rattaché à l’abbaye Saint-Florentin de Bonneval.

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Au XVIIe siècle une confrérie des pénitents gris, originaire d’Avignon, s’y établit. Les pénitents gris, communauté créée le 14 septembre 1226, doit son nom à la couleur du sac de couleur cendre qu’avait revêtu le roi Louis VIII, à Avignon, le jour de l’Exaltation de la Sainte Croix pendant la guerre contre les hérétiques albigeois (Croisade des Albigeois 1209-1229).

 

La chapelle fut vendue à la Révolution, et reprise par l’Assemblée départementale. Elle a été restaurée en 1880, et à nouveau bénite le 22 mai 1880 pour reprendre la célébration des offices. Après 1905, les services du département la mettent à disposition du diocèse. En 1941, l’édifice désaffecté est définitivement cédé à la ville de Chartres pour un nouvel usage laïque. Le bâtiment a été longtemps inoccupé, quelques rares réunions s’y tenaient.

Aujourd’hui, à la chapelle Saint-Éman, des expositions dédiées à l’art de la mosaïque contemporaine sont régulièrement présentées sous l’égide de l’association les 3R. Ces expositions s’inscrivent dans le cadre des rencontres internationales des mosaïques. Sur le chemin des arts, à la croisée du chemin de Compostelle, ce lieu revit avec, à son fronton, le nom de saint Éman… présent à tout jamais.

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La chapelle des Mousseaux à Magny 

Plus près de nous, à la limite des territoires d’Illiers, de Blandainville et de Magny,  se dressait une chapelle Saint Éman au lieu-dit qui s’appelle Mousseaux. À proximité, des lieux comme La Forêt, Beaurouvre, le Bois des Noues, le Bois de la Motte, le Bois de Magny, témoignent de l’ancienne lisière de la forêt du Perche, la Sylva Pertica. Cet endroit était au VIe siècle le refuge du saint évangélisateur et de ses fidèles compagnons Maurel et Almaire au temps où ils évangélisaient la contrée d’Illiers (Isla ou illhari).  À proximité de la chapelle, il y aurait eu une petite source, consacrée à saint Eloy, où devaient venir se désaltérer saint Éman et ses disciples. Cette source aurait disparu suite aux piétinements du sol par les nombreux pèlerins. Cette chapelle fut, dès le XIIe siècle, annexée au prieuré dépendant de l’abbaye de Bonneval comme le fut la chapelle Saint Éman de Chartres. Le sanctuaire sis à Mousseaux  fut détruit au XVIIIe siècle. Des témoignages indiquent qu’après la destruction du saint lieu, un battant de cloche aurait été découvert dans un champ voisin.

 

On retrouve trace de cette chapelle dans les dictionnaires ecclésiastiques de 1682 et 1738. Des archidiacres et des doyens y venaient régulièrement jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

 

Un autre élément atteste de la présence de saint Éman en ces lieux : un titre notarié d’Illiers, en date de 1478, désigne un petit bois sous le nom de «La Haye Saint-Héman».

 

La chapelle est également indiquée sur la carte de Cassini (*) du XVIIIe siècle.

(*) Pour mémoire, César François Cassini de Thury (1714-1784) avait entrepris la grande carte de France, dite Carte de Cassini, à l’échelle  de 1/86400, terminée par son fils Jacques Dominique (1748-1845).

 

Aujourd’hui, après tous ces siècles, il ne subsiste de cette chapelle qu’une modeste croix devant un vestige de mur cintré, formant abside orientée à l’Est. A proximité, signe de modernité, se dressent des éoliennes qui, avec leurs immenses pales, brassent du vent.

L’église Saint-Hilaire à Illiers 

Pour mémoire, c’est le 16 mai 560 que saint Éman fut sauvagement massacré, le corps disloqué, avec, à ses côtés, ses fidèles disciples Maurel et Almaire, compagnons martyrs, sous les coups du redoutable Abbo et de ses acolytes sanguinaires. Avertis, les prêtres de la paroisse Saint-Hilaire d’Illiers vinrent prendre possession des pieuses dépouilles pour leur offrir une digne sépulture dans la petite église sur la rive droite du Loir, côté Perche.

 

Le sanctuaire côtoyait un pont de madriers, le pont Saint-Hilaire d’aujourd’hui, qui enjambait la rivière, frontière naturelle entre le bourg d’Illiers-en-Beauce annonçant les vastes plaines et la route s’ouvrant sur le Comté du Perche avec ses collines et ses bocages.

 

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Pendant quatre siècles, en cette paroisse de Saint-Hilaire, le culte de saint Éman allait être perpétué par les chrétiens de cette région qui avait été convertie par cet infatigable évangélisateur. Dans ce sanctuaire, l’emplacement de son tombeau, tel une balise, indiquait, vers l’ouest, la route de Méréglise qui ouvrait le chemin pour le pèlerinage des Trois Marie qui fut très prisé dans le passé. 

À la fin du Xe siècle, au temps de l’évêque Eudes, le corps de saint Éman quitta l’église Saint-Hilaire pour être transporté à Chartres en l’église Saint-Maurice où il aurait été placé dans une châsse avec les corps de ses compagnons Almaire et Maurel. Au XIe siècle, le seigneur des terres d’Emanus, Ansold de Mongerville, s’était senti floué par le transfert ordonné par l’évêque du corps de saint Éman en l’église Saint-Maurice à Chartres. Le chevalier Ansold trouvait légitime de conserver les reliques du saint sur les terres où il avait connu son martyre, près de la fontaine. Ansold de Mongerville sera d’ailleurs encouragé dans son initiative par le seigneur Basin d’Illiers, à entreprendre la construction du sanctuaire dédié à saint Éman. Ces deux hommes avaient coutume de se rencontrer, notamment au sujet du prieuré de Vieuvicq, pour la signature de divers actes.

L’église Saint-Hilaire à Illiers ne résistera pas à la Révolution française : détruite, pillée, démantelée. Les pierres arrachées aux fondations, les pièces de charpentes désossées trouveront un nouvel usage dans les constructions voisines. Le cimetière de l’église Saint-Hilaire sera profané, les tombes seront fouillées, le plomb scellant les cercueils  étant récupéré pour faire des munitions.

Aujourd’hui, au n° 4 de la rue Sainte-Barbe, il ne reste plus que la porte monumentale construite en briques anciennes dans le style du XVIIe siècle, qui était l’entrée de l’ancien presbytère de l’église Saint-Hilaire. De cette église, il ne reste que quelques  vestiges qui ont été disséminés dans la ville dont les fûts de colonnes anciennes et des corbeaux de pierre qui ont  souvent servis de bornes aux angles des maisons pour éviter les heurts des roues de charrettes.

Le monastère, l’église Saint-Maurice (Lèves-Chartres)

C’est à la fin du Xe siècle que le corps de saint Éman a été déposé en tant que relique dans l’église Saint-Maurice. En 985, un bénédictin, l’abbé Guibert de l’abbaye Saint-Père-en-Vallée avait écrit un panégyrique : Passion de saint Éman, véritable éloge qui suscita auprès des fidèles un nouvel engouement pour ce saint martyr. Pour le clergé de Chartres, outre la chapelle située en contre-bas de la cathédrale, le nom de saint Éman était aussi rattaché à l’édifice religieux du Bourgneuf. L’évêque Eudes avait dû considérer qu’il avait une légitimité à rapatrier le corps de saint Éman en l’église Saint-Maurice, nouveau lieu de pèlerinage pour les chrétiens en adoration de ses reliques.

 

En 2017, des fouilles archéologiques eurent lieu à Chartres dans l’ancien bourg médiéval de Saint-Maurice aussi appelé Bourgneuf au niveau de la confluence de l’Eure et du Couesnon, dans un quartier de Lèves. Ce site se situait sur la voie Autricum-Mediolanum via Durocassis (Chartres-Evreux via Dreux).

 

Au VIe siècle, saint Éman sortant de sa solitude faite de prières dans son ermitage situé aux abords de la haute ville fortifiée aurait, selon la tradition ecclésiastique, fondé un monastère dans le quartier du Bourgneuf. Cette affirmation ne reposait sur aucune réalité historique et présentait les caractères du mythe, d’autant qu’elle était rapportée par des religieux ayant vécu plusieurs siècles plus tard. Cependant, la mise au jour d’une occupation des lieux au Haut Moyen-Âge lors des fouilles allait donner plus de consistance à cette légende. La découverte de deux fonds de cabane, d’un puits mérovingien et d’une tombe datés du VIe siècle attestent en effet de la présence humaine et suggère même la présence d’un lieu de culte chrétien.

 

De l’église Saint-Maurice primitive, mentionnée pour la première fois au Xe siècle, période au cours de laquelle y fut déposé le corps de saint Éman, on connaît peu de choses et les archives ont presque entièrement disparu. Il demeure toutefois une rue et une impasse sous ce vocable de Saint-Maurice, survivance du Moyen-Age, hors des murs de la ville « in suburbio Sancti Mauricii ». Dans un écrit de l’an 1311, on lit que l’église a donné son nom au faubourg appelé « colline de Saint-Maurice de Chartres ».

 

Aujourd’hui, en bordure de la rue du Bourgneuf, à l’angle de l’allée Notre-Dame-de-Bon-Secours, ont peut encore voir le clocher situé au chevet avec des contreforts facilement reconnaissables. L’église aurait été détruite et reconstruite entre le XIIIe et XIVe siècle. Après les dégâts subis durant les guerres de religion l’église connaîtra plusieurs modifications au cours du XVIIe siècle. Elle sera finalement rasée en 1797, notamment parce qu’elle servait de refuge aux prêtres réfractaires. Les saccages et pillages conduiront entre autres à la profanation de la sépulture de saint Éman et à l’éparpillement de ses reliques aux quatre vents. Le fragment d’os du bassin aujourd’hui présenté dans la châsse de l’église de Saint-Éman est la seule relique connue du saint patron de notre village situé entre Beauce et Perche, bien loin de sa Cappadoce natale.

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