Instituteurs et Institutrices de l’école de Saint-Éman
Avant que les noms des enseignants de l’école de Saint-Éman, tracés à la craie, ne s’effacent du tableau noir de notre mémoire, efforçons-nous d’en retrouver quelques-uns parmi les archives et d’en esquisser un portrait.
Longtemps, l’éducation des enfants restait l’apanage des gens d’Église avec sa dimension cultuelle et confessionnelle. On le constate à travers notre propre histoire dans laquelle le premier maître d’école cité à Saint-Éman au XVIIIe siècle s’appelait Michel Longue, sacristain de son état.
Même si nous avons tous en tête la fameuse ritournelle :
Qui a eu cette idée folle,
Un jour d’inventer l’école
C’est ce sacré Charlemagne
Sacré Charlemagne...
C’est avec la Révolution française que sera le principe de « l’Instruction Publique » datant plus précisément de 1793 sous l’égide de Louis-Joseph Charlier. L’instruction obligatoire laïque et gratuite pour les enfants à partir de six ans sera instituée par la loi du 28 mars 1882 dite « loi Jules Ferry ». Deux ans plus tard, en 1884, la « maison d’école primaire mixte » de Saint-Éman sera construite. Se succéderont d’abord des instituteurs secondés par des maîtresses de « travaux d’aiguilles ». Avec la guerre 1914-1918, les hommes étant mobilisés, des institutrices intérimaires se succéderont à l’école de Saint-Éman. À l’issue de la guerre, et jusqu’à la fermeture de l’école en 1960, les institutrices s’imposeront et occuperont la place de directrice assurant aussi, pour certaines, le secrétariat de mairie. Elles prendront, à l’image de Madame Sani, de belles initiatives pour les enfants du village : activités de la coopérative scolaire, premières sorties de fin d’année à Paris, à Versailles, dotation de nombreux livres à la bibliothèque… pour permettre à de nombreux enfants de Saint-Éman de prendre leur envol dans la vie d’adulte qui les attendait.
Dans un livret édité en 1900 sous le titre « La Morale mise à la portée des enfants », écrit par O. Pavette, ancien instituteur, inspecteur primaire, on peut lire une résolution que les élèves devaient apprendre par cœur :
« J’aimerai mon instituteur : je lui obéirai, je le respecterai et je lui serai toujours reconnaissant de ce qu’il a fait pour mon instruction et mon éducation. Je me soumettrai à la discipline ; je fréquenterai assidûment l’école et je ferai des efforts pour vaincre ma paresse. »
À la fin de cet ouvrage trouvé dans l’ancienne bibliothèque de l’école de Saint-Éman, l’écolier était invité à choisir le chemin de sa vie :
Entre le chemin du mal : mauvais fils, mauvais camarade, paresse, ivrognerie, lacheté, vol, mauvais soldat, mauvais citoyen, mauvais père de famille, prison… en résumé : déshonneur, mépris public, misère.
Entre le chemin du bien : bon fils, travail, économie, prévoyance, sobriété, courage, bon soldat, bon citoyen, bon père, satisfaction de la bonne conscience… en résumé: Honneur, estime, aisance.
Lequel choisissez-vous ?
Quelques instituteurs de Saint-Éman inscrits au tableau d’honneur...
Michel Longue
Michel LONGUE : premier maître d’école connu à Saint-Éman.
Il était le fils de Michel Longue, homme de peine, et de Marie Anne née Foucault originaire de la paroisse de Saint-Éman.
Il est mentionné maître d’école et sacristain à Saint-Éman à partir du mois de décembre 1782.
Michel Longue s’est marié le 3 mai 1774 à Blandainville avec Marie Magdelaine David.
C’est le 19 octobre 1884 que la « maison d’école » de Saint-Éman est officiellement inaugurée.
Pierre Hilaire Louis Jardin
Pierre Hilaire Louis JARDIN : Il est le premier instituteur de l’école nouvellement construite. Nommé le 16 septembre, il est installé le 22 septembre 1884. Le brevet élémentaire obtenu le 26 mars 1858 lui permettait d’enseigner.
C’est à l’occasion de la session du Conseil municipal du 22 septembre 1884 délibérant de la réception des travaux de la maison d’école que la nomination de Pierre Jardin a été officialisée suite à l’arrêté préfectoral et qu’il a été installé par le maire de la commune, le baron Edgar de Goussencourt.
Pierre Jardin fils est né le 18 septembre 1827 à La Croix-du-Perche. Ses parents étaient Pierre Hilaire Jardin et Marie Louise Catherine Julienne née Blondeau.
Il s’est marié à l’âge de 24 ans, le 27 novembre 1851 à Yèvres avec Marie Eugénie Vallée. Sur l’acte de mariage, il déclare, à cette époque, exercer la profession de sabotier.
C’est à l’âge de 27 ans qu’il commence à enseigner à l’école de la Hallonière à Yèvres, il y restera huit ans.
Pierre Jardin sera ensuite nommé pour deux ans à l’école élémentaire de Landelles. L’année scolaire suivante, il enseignera à l’école maternelle de Montlandon.
Il sera, à partir du 11 décembre 1865, muté à l’école primaire de Saint-Denis-d’Authou.
C’est en octobre 1881 que Pierre Jardin est nommé à Saint-Éman. Il devra patienter trois ans avant d’enseigner dans les locaux neufs et fonctionnels de la nouvelle école.
Pierre Jardin enseignera jusqu’en septembre 1887, âgé de 60 ans.
Ferdinand Célestin Hyppolite Gouabault
Ferdinand Célestin Hippolyte GOUABAULT : il succédera à Pierre Jardin.
Il est né le 17 février 1859 à Fontaine-la-Guyon, fils de Louis François Fiacre Gouabault et de Marie Clémentine Colombe Gobillon.
Il se mariera le 6 octobre 1883 à Chuisnes avec Marie Léonie Alexandrine née Quentin. Il était, à l’époque de son mariage, instituteur à la Chapelle-Royale. (*)
(*) NDLR : Avant le mois d’avril 1883, il était instituteur à Camoël dans le Morbihan.
L’année suivante, Ferdinand Gouabault sera affecté à l’école communale d’Ardelles.
De mars 1885 à octobre 1887, il enseignera à Léthuin.
Ferdinand Gouabault s’établira ensuite durablement à Saint-Éman où il enseignera du 17 octobre 1887 (*) jusqu’à son départ à la retraite avant de devenir maire du village le 19 mai 1912 jusqu’à son décès, en plein exercice de son mandat, le 14 mai 1924.
(*) NDLR : Dans le registre des délibérations du Conseil municipal, à la date du 16 novembre 1887, est mentionné pour la première fois, l’instituteur Ferdinand Gouabault, par le vote d’une somme de 50 fr qui lui est allouée pour indemnité de déplacement.
Maurice Charles Lecomte
Maurice Charles LECOMTE : ce jeune instituteur est mentionné dans les registres à la rentrée scolaire de l’école de Saint-Éman en 1919, il aurait enseigné jusqu’en 1923.
Il est né le 7 août 1897 à Germignonville, fils de Charles, Ludovic Lecomte, journalier, et de Désirée, Eugénie née Lagnan, sans profession.
Les registres de recensement de la population de Saint-Éman, entre les années 1926 et 1936, nous apprennent la présence en 1926 d’Hélène Hallouin institutrice née en 1898 à Neuilly s/Seine. En 1931, elle est remplacée par Raymond Billard né en 1878 à Pré-Saint-Martin. En 1936, l’institutrice nommée à l’école du village est Léa, Louise Rouzière née Girard en 1912 à Azay (Deux-Sèvres). Au fil des décennies, nous constatons que les enseignants ont tous été logés à La Taillanderie.
Le 15 avril 1937, une lettre de M. Félicien Duchêne, maire, adressée à M. l’Inspecteur primaire, témoigne d’une difficulté à trouver un instituteur, une institutrice titulaire à l’école de Saint-Éman :
Monsieur l’Inspecteur,
Pour la troisième fois depuis octobre, l’école de Saint-Éman est sans maître. Je suis saisi de plaintes de tous les parents des élèves qui fréquentent cette école et je me fais un devoir de vous en rendre compte.
Au nom de la population de St Éman je vous serais très reconnaissant de vouloir bien faire tout votre possible pour qu’une suppléante soit nommée au plus tôt en remplacement de Madame Paiement de nouveau malade.
Au moment de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à la fermeture de l’école en 1960, allaient se succéder plusieurs enseignants dont Mme Sani, M. Brulard (*) en 1946, Mme Girard née Gaubert, avec des périodes entrecoupées de remplaçants aux noms aujourd’hui oubliés. Si nous avons évoqué M. Jardin, 1er instituteur de l’école de Saint-Éman en 1884, il convient de souligner tout particulièrement celui de la dernière institutrice, Mme Taffoireau qui termina par la suite sa carrière d’enseignante à l’école primaire d’Illiers-Combray.
(*) NDLR : lors d’un échange le 7 février 2022 avec M. Léon Ridet, celui-ci se souvient qu’à l’école M. Brulard, instituteur, avait la passion des aéroplanes. Il aimait montrer à ces élèves des photos d’avions car il avait lui-même été pilote.
Crédit photo : Claude et Marie-Claude Taffoireau
À l'heure où nous terminons l'écriture du texte consacré aux différents enseignants de l'école de Saint-Éman, nous apprenons dans les avis d'obsèques de l’Écho Républicain du samedi 5 mars 2022 le décès de Madame Françoise Taffoireau née Cirot survenu à Méréglise à l'âge de 88 ans. La dernière institutrice du village de Saint-Éman s'en est allée... Qu'il lui soit rendu hommage ici.