Au temps de Jules César, à l'aube de notre ère
Les centurions romains dans le pays des Carnutes
Une petite voie romaine partait de Chartres, passant au lieu-dit du Perray (Orrouer/Oreor), pour prendre la direction de Magny (Meigneium) et traverser le Loir (Ledo/Ledum), par un gué, entre les lieux-dits actuels du Breuil et de Bréhainville. Un cultivateur, vers les années 1900, avait affirmé à l’abbé Joseph-Désiré Marquis de la paroisse d’Illiers, qu’il avait retrouvé quelques vestiges et détruit une partie de cette ancienne voie avec sa charrue à côté du versant de l’étang de Nonvilliers.
En limite Nord-Ouest du territoire de Saint-Éman, au-delà d’une ligne « Les Roselles/Le Cormier » se trouve une pente côtoyant cet étang de Nonvilliers. A proximité, on a remarqué l’emplacement d’antiques fossés de camp romain. Au temps du passage des troupes romaines, il existait deux types de haltes, le statio, pour un bref repos des soldats, et le mansio, véritable camp pour un séjour prolongé de forme carrée protégé par de profonds fossés et talus pour garantir le gîte et le couvert des troupes. Les lieux se prêtaient parfaitement à ces fortifications et à la logistique nécessaire à la satisfaction des besoins de la légion romaine. L’eau était présente (actuel ruisseau du Gros Caillou), il y a même eu dans le passé un moulin (parcelle cadastrée : Le vieux moulin, face au Bois d’Amour). La configuration naturelle du terrain facilitait l’excavation de la terre et le renforcement des talus. Le lieu était également privilégié car il permettait de faire le guet, l’altitude moyenne, en cet endroit, étant à plus de 200m, et de protéger ainsi cet axe stratégique en direction de Vindunum (Le Mans).
Aujourd’hui encore, malgré le comblement naturel, on peut voir, au milieu des bois, l’empreinte de profondes tranchées. Dans le secteur, on trouve la trace d’un entrelac de méandres, ceux d’un ruisseau au lit de silex tranchants : le Gros Caillou. Ruisseau qui reprend vie avec le trop-plein périodique du Loir souterrain ravivant le souvenir du bief de l’ancien moulin.
Le sol garde aujourd’hui les cicatrices de ce passé en limite de Saint-Éman, preuves que ce lieu est depuis des siècles un véritable carrefour du réseau hydrographique aux portes du Perche et des voies de communication vers les Pays de la Loire, de la Bretagne et de la Normandie.
Au XXe siècle, au mois de juin 1944, l’endroit avait été, de nouveau, considéré comme stratégique par l’armée allemande… Jean-Claude Foussard, agriculteur aux Pâtis, nous a raconté que sur le bord de la D 941, toujours en ce point haut, face aux Roselles, un trou avait été creusé pour y camoufler un char Panzer chargé de sécuriser la montée, par la route, des renforts de la Wehrmacht sur le front de Normandie au lendemain du débarquement. Les résistants du maquis de Plainville, situé à 20 km, multipliaient les actes de sabotage dans la région. L’emplacement où était dissimulé le char est toujours visible, il a l’apparence aujourd’hui d’une ancienne mare qui serait asséchée, envahie de ronces et de baliveaux.
La toponymie nous donne de précieux indices sur l’histoire des lieux, ses caractéristiques géographiques, et parfois sur le patronyme des occupants. A Saint-Éman, nous savons que les premiers groupes d’hommes se sont fixés sur les points hauts du territoire, précurseurs des mottes féodales du début du Moyen-Âge, à savoir le Petit Bois-Barreau et le Grand Bois-Barreau (*).
Ces lieux-dits sont situés dans le prolongement de la Grande Barre et de la Petite Barre (*), appartenant à l’ancien fief de Fontenay-au-Perche, endroit où les premiers habitants bénéficiaient d’un précieux ravitaillement en eau grâce à la source alimentant le Loir au niveau de Guignard.
Cette position sur cette ligne dominante permettait aux occupants des lieux de surveiller les environs et de prévenir toute incursion extérieure empreinte de mauvaises intentions.
(*) NDLR : le terme Barreau avec la racine Barre a le sens de hauteur barrée qui ramène à la notion de lieu défendu.