Au temps du XVIIe siècle, le "Grand" siècle
À travers les registres paroissiaux, et les actes des tabellions…de Saint-Éman
L’historiographie des XVIIe et XVIIIe siècles jusqu’à la Révolution de 1789, nous livre les épisodes clés de ces périodes. Nous allons les dérouler successivement en cherchant à la loupe l’histoire du petit village de Saint-Éman…
Pour la vie des villages, et celle de ses habitants, en particulier, les registres paroissiaux instaurés par François 1er en 1539, ainsi que les actes des tabellions à partir du XVe siècle, nous permettent de lever le voile sur des mœurs aujourd’hui surannées et des personnages oubliés.
À l’aube du XVIIe siècle après les guerres de religion (*) on assiste à des élans de reconstruction du pays, mais l’Homme, étant de nature belliqueuse, connut par la suite, la guerre de trente ans (1618-1648), puis la Fronde (1648-1653). Louis XIV marquera de son sceau cette deuxième moitié du XVIIe siècle avec le rayonnement qu’on lui connaît.
​
(*) NDLR : Le 13 avril 1598, Henri IV en signant l’Édit de Nantes pacifie la France, et accorde aux protestants des droits religieux, civils et politiques dans certaines parties du royaume. Plus près de nous, dans notre région, le premier temple protestant d’Eure-et-Loir est construit en 1604 au Pont-Tranchefêtu à Fontenay-sur-Eure.
Du passé le plus lointain, nous parvient donc cet acte de l’année 1620, signé par le curé Martin Boutry. Il est toujours émouvant d’avoir entre les mains, avec des gestes qui se veulent précautionneux, un registre imprégné en filigrane de toute l’histoire des villageois. Des pages jaunies si fragiles qui menacent de devenir poussières…
​
​Nous apprenons que les archives de la paroisse de Saint-Éman entre 1620-1639 avaient disparu lors du décès de Nicolas Haye en 1780. Heureusement, le 25 février 1781, elles réapparaissent sous la forme d’une liasse remise par le procureur fiscal. Cette liasse contenait les actes de baptêmes depuis 1620 et ceux de mariages jusqu’à 1629… époque où officiait notamment René Poupine, curé de la paroisse sur la période 1625-1630.
En ces années-là, parmi les actes de mariage, « Le mardy 5e jour d’apvril 1622, noble homme Pierre de Belleesses, escuier, sieur des Boys, espouza damoiselle Marie Du Portail, fille de honorable homme Gaspard Du Portail, escuyer, sieur dudit lieu et de La Brequerye. »
En 1624, nous trouvons aussi la trace de l’acte de baptême suivant :
« Le lundy 8e jour de janvier 1624, a esté baptizée Anne de Belleesses, fillez de noble homme Pierre de Belleesse, escuier, sieur de Saint-Éman, et de Marie Du Portail, son espouze. Le parain Gilles de Fontenay, escuier, sieur du Boystier, et damoiselle Anne de Belleesse ».
En 1627 : « Sieur Gaspard Du Portail, escuyer, décedda le 14 juin 1627, et son corps inhumé en l’église de Mr saint Éman. »
La signature du sieur de Bellesesses, seigneur de Saint-Éman, se retrouvera sur de nombreux actes, les registres en témoignent.
(NDLR : on trouve aussi l’orthographe « de Bellezaize »).
Plus tard, en 1643 : « Marie Du Mouchet, fille de Jean Du Mouchet et de Françoise-Marie Gournil, ses père et mère, fut baptisée le 14 octobre 1643. Le parain fut Louis de Marcadet ; la mareine Judit de Tacher, sa grande-mère, veufve de René Du Mouchet, écuier. Signé : Judit de Tacher ; Marcadet ; Jerrier, vicaire d’Illiers. »
En 1641, le curé Robert Barbier officiera dans la paroisse jusqu’en 1645. Les archives nous livrent le paraphe de son premier registre à Saint-Éman.
En 1649, dans les registres de la paroisse de Saint-Jacques d’Illiers, nous trouvons un texte sur le pèlerinage de Saint-Éman :
« Le dimanche 18e juillet 1649, procession à Sainct-Éman pour supplier Dieu souverain et éternel de nous donner de l’eau à cause de la trop grande sécheresse qui perdoit tous les biens et fruictz de la terre ; dans laquelle nous avons esté tellement mouillés que nous avons presque esté contraintz et forcez de nous mettre à couvert en allant et passant à Cranne, qui est la moitié du chemin de ladite procession. »
Et l’année suivante en 1650, l’avis de décès du curé :
« Le mardi 15e jour de mars 1650, inhumation de vénérable et discrette personne messire Denis Leclerc, vivant curé de Sainct-Éman, en l’église de Saint-Jacques d’Illiers. »
À partir d’un acte de baptême, nous pouvons nous expliquer l’origine du bénitier dans l’église de Saint-Éman avec la gravure : « FAICFAIRE-PARMARINGORNY-1637 ». Les registres nous révèlent qu’en 1652, Marin Gournil (Gourny) portait son fils Pierre sur les fonts baptismaux de l’église de Saint-Éman.
« Pierre, filz de Marin Gournil et d'Anne Aulard, a esté baptizé le vendredy 9e jour de febvrier 1652. Son parrain Pierre de Piguerre, escuyer, seigneur de Loinville ; sa mareine damoiselle Louise de La Vallée, femme de Pierre de Bellezaises, escuyer, seigneur des Bois. Signé : de Piguerre ; Louise de la Vallée ; Boutry. »
​
Trois mois plus tard, le sieur Marin de Gourny, proche de la famille Du Mouchet de La Mouchetière devint le parrain de l’enfant du seigneur des lieux. Le filleul allait d’ailleurs recevoir le même nom de baptême que son parrain prouvant ainsi l’estime portée par la famille.
« Le 13e de may 1652, a esté baptisé Marin, fils de honorable homme messire Jean Du Mouchet, escuier de La Mouchetière, et de damoiselle Françoise-Marie de Gourny, ses père et mère. Le parain Marin de Gourny, escuier, sieur de Lonville, maréchal-des-logis de S. A. R. (Son Altesse Royale) ; la maraine damoiselle Claude Richer. Signé : Gournil ; Claude Richer ; J. Lemercier. »
En 1658 : « Le mardy 17e septembre 1658, a esté baptiséé Michelle-Marguerite, âgée de 21 mois, fille de René de Gestard, escuier, sieur de Neuville et seigneur de Saint-Esman, et de damoiselle Jacqueline Poitrine, ses père et mère. Son parain Michel de Gestart, escuier, sieur de Préaux, et sa maraine Marguerite Roger, veufve de deffunct Mr de La Manorière.Signé : Marguerite Roger ; Gestart ; D. Crestot. »
Une des pièces les plus anciennes des archives paroissiales de Saint-Éman, aujourd’hui numérisée et accessible au grand public, date de l’année 1668 et concerne l’acte de baptême de Marie, fille de Lazare Labbé avec la signature du curé Denis Crestot (NDLR : curé de la paroisse de 1655 à 1675). En 1676, la page de garde du registre est marquée du sceau de la généralité d’Orléans avec un droit à payer de six deniers.
Le curé Denis Crestot semblait être d’une famille bienveillante et généreuse envers la paroisse de Saint-Éman. Dans la nef de l’église, au milieu du pavage, une sépulture porte l’inscription suivante :
« 1668 – CY EST LA TOMBE DES TREPASSES OU GIST MICHEL CRESTOT BIENFACTEVR ET ROBERT CRESTOT ET SA FEMME PRIE DIEV POVR EUX »
À partir de 1676, les registres sont signés par le curé Landot qui officiera jusqu’en 1678. Au cours de cette période, nous trouvons la trace de René Du Mouchet, sieur de La Mouchetière (*) et de Saint-Éman, qui paraphait également les différents actes paroissiaux et ceux de la fabrique en particulier.
(*) NDLR : La seigneurie de La Mouchetière se situait sur les terres du fief d’Illiers. L’abbé Marquis, dans sa monographie, précisait que ce lieu avait disparu à la fin du XIXe siècle comme les seigneuries voisines de La Rachepelière, La Brossardière, La Happetezière.
En novembre 1678, la fille du seigneur René Du Mouchet est baptisée :
« Le 22e de novembre 1678, les coerémonies de batême ont esté administrées à Marie-Charlotte Du Mouchet, née du 29e de novemnbre 1677, fille de messire René Du Mouchet, escuier, seigneur de La Mouchetière et de Sainct-Éman, de de mme Marie de La Barre, ses père et mère. Le pârain messire Nicolas Du Mouchet, escuier, sieur de Boujeâtre, et la maraine Mme Charlotte de Reviers, dame du Rouvray. »
Entre 1678 et 1698, se succéderont les curés Barabé, Robert Le François et Nicolas Morel. À l’occasion du paraphe des registres par Cristin De Gravelle, et ensuite par Charles Nicole, conseillers du Roy, notre paroisse est orthographiée St Amand, une confusion qui se retrouve toujours quatre siècles plus tard dans certains documents administratifs… jusqu’aux panneaux routiers.
Le prêtre Dumont, desservant, a assuré à titre transitoire le service religieux sur la paroisse avant l’arrivée de Philippe Dallet à l’aube du XVIIIe siècle.
État des bienfaiteurs et inventaire du linge d’église dans les années 1650.
​La lecture des archives nous apprend qu’il y avait au sein de l’église de Saint-Éman une confrérie de « St Etropi ».
(NDLR : Saint Eutrope, premier évêque de Saintes, est bien présent à Saint-Éman, sur le tableau du retable du maître-autel. Il figure également dans le statuaire de la chapelle de confrérie).
Nous trouvons les noms de quelques bienfaiteurs de la paroisse, les familles Foussard, Collin, Fauquet…
L’inventaire du linge d’église détaille les nappes du « maistre Autel » ainsi que quelques serviettes….
La fabrique de Saint-Éman au XVIIe siècle
La fabrique de la paroisse de Saint-Éman assurant l’entretien et la gestion de l’église et du cimetière bénéficiait de legs et était parfois désignée en qualité de légataire de divers testaments. Sur la période de 1667 à 1691, les registres en portent témoignage :
Fabriques, fabriciens,
marguilliers et gagers...
- En 1673 : Denis Crestot, curé de Saint-Éman, lègue 2 mines de terre, près le clos Tassin.
​
- René Fauquet, marchand, lègue un setier de terre audit terroir.
- Louise de la Vallée, veuve de Pierre de Bellezaize, seigneur de Saint-Éman, lègue 3 minois en pâture au terroir du Croc.
- En 1670 : Pierre Fauquet, marchand, lègue 3 boisseaux de terre, sur le chemin de Saint-Éman à Grandhoux.
​
​- En 1669 : Jean de la Vallée, curé de Boisville-la-Saint-Père fait don de 4 perches de terre tenant au pré de l’église. Le titre est contresigné par Denis Crestot, curé de Saint-Éman.
De cette époque, nous pouvons consulter aux archives départementales, un parchemin luxueux en vélin (*) : un vrai privilège, et un trésor précieusement conservé pour notre petit village ! Il s’agit d’un acte rédigé par Simon Proust, notaire royal, établi à Illiers de 1628 à 1690. Le document mentionne la famille de Bellezaize, l’héritage de « feu Pierre de Bellezaize, escuyer sieur de saint Esman », et la présence de Denis Crestot, curé, lors de la rédaction de l’acte.
(*) Vélin : parchemin de luxe apparu à la fin du Moyen Age et fabriqué avec la peau d’un veau mort-né ou d’un agneau.